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ARTISET Le magazine des prestataires de services pour les personnes ayant besoin de soutien. Autonomie de vie des personnes atteintes de troubles psychiques Comment Roger Wicki a passé du statut d’enfant placé à celui de directeur de foyer Concilier vie professionnelle et vie privée dans les institutions de soins Édition 04 I 2022 À la une Partager les expériences

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ARTISET 04 I 2022 3 «Nous nous sentons en confiance plus particulièrement avec des personnes qui vivent une situation similaire à la nôtre et témoignent d’expériences semblables.» Elisabeth Seifert, rédactrice en chef Chère lectrice, cher lecteur, Vous connaissez probablement vous aussi ce sentiment de bien-être et de sécurité lorsque nous sommes en compagnie de personnes qui nous comprennent. C’est particulièrement le cas lorsque ces personnes vivent une situation similaire à la nôtre et lorsqu’elles témoignent d’expériences semblables. Avec elles, nous nous livrons, nous partageons nos soucis et nos problèmes, nos espoirs aussi. Par cet échange sur notre vécu, nous apprenons à mieux nous comprendre, nous gagnons en assurance et en courage, et nous bénéficions aussi de quelques précieux conseils. Si nous avons toutes et tous besoin de telles relations, c’est encore plus vrai pour les personnes vivant des situations particulièrement difficiles. Des personnes qui connaissent des expériences éprouvantes en raison de leurs problèmes psychiques. Ou des personnes en situation de handicap, quel qu’il soit, qui font face à moult obstacles sur le chemin vers l’autonomie, à l’instar des care leavers qui doivent durement se battre, faute de soutien, pour s’intégrer dans la société. Et que dire des personnes âgées qui voient se déliter leurs relations de confiance de longue date et perdent ainsi leur intégration sociale? Les articles à la une de cette édition soulignent bien l’importance des relations entre pairs, c’est-à-dire entre personnes partageant les mêmes idées ou concernées par la même situation. C’est particulièrement manifeste dans le mouvement d’entraide autogérée, ainsi que l’explique Lukas Zemp, directeur de la Fondation Info-Entraide Suisse, dans une interview (page 13). Né dans les années 1980, le mouvement compte aujourd’hui quelque 2800 groupes d’entraide locaux, portant sur 300 thèmes. Les reportages consacrés à une émission de radio à Berne, à laquelle participent des hommes et des femmes avec un vécu psychiatrique, ainsi qu’un réseau de seniors en Suisse romande, illustrent la dimension intégrative des groupes d’entraide et autres démarches semblables (pages 10 et 17). Les pairs, qui sont «expertes et experts sur la base de leur propre expérience» et au bénéfice d’une formation spécifique, gagnent en importance dans les domaines de la santé et du social, soutenant les personnes vivant des situations similaires à la leur, mais aussi les équipes professionnelles. Découvrez les portraits de Salome Balasso, qui a suivi une formation continue pour des personnes qui ont l’expérience de crises vécues, et de Dylan Yenni qui a été formé comme facilitateur d’inclusion dans le cadre d’un projet pilote en Suisse romande (pages 6 et 24). Les institutions qui accompagnent des personnes atteintes de troubles psychiques font elles aussi de plus en plus appel à des pairs qualifiés, à l’image de l’établissement Schlossgarten, à Riggisberg (page 20). Le programme de parrainage du réseau Care Leavers de la région de Bâle revêt la même fonction. «Sans Gael, je ne serais pas aussi motivée pour réussir et faire quelque chose de ma vie», raconte Angela. Et d’ajouter à propos de son parrain: «Bien qu’il ait lui aussi connu des débuts difficiles, il en a fait quelque chose de bien.» Un témoignage qui montre parfaitement ce que peut apporter une relation entre pairs. Photo de couverture: Pedro Codes, un pair avec une expérience en psychiatrie, et une résidente de Schlossgarten Riggisberg, dans le parc de l’institution. Photo: Marco Zanoni Éditorial

Compétence et fraîcheur main dans la main Transgourmet renforce sa compétence dans le secteur du Care. Des solutions taillées sur mesure pour vous Afin de répondre aux demandes toujours croissantes dans le secteur du Care, Transgourmet met à votre disposition une équipe de compétences composée de spécialistes orientés vers la pratique. Ceux-ci ne ménagent pas leurs efforts pour se pencher sur vos besoins et ils élaborent des solutions taillées sur mesure pour vous. À l’adresse care@transgourmet.ch, vous trouverez toujours un interlocuteur compétent à votre service. Vos avantages L’un des avantages de Transgourmet est qu’en plus des articles spécialement destinés à l’hôtellerie Care, un vaste assortiment complet de plus de 25 000 articles des catégories Food, Boissons, Non-Food, Near-Food et produits frais est également à disposition. Si vous souhaitez vous informer au sujet des assortiments spéciaux Care, vous accéderez directement aux articles correspondants par le biais du lien suivant: transgourmet.ch/care-shop. Troubles de la mastication et de la déglutition Afin de vous simplifier la tâche au quotidien dans les foyers et les hôpitaux, vous trouverez dans notre offre des produits convenience taillés sur mesure pour les personnes souffrant de dysphagie. Et si vous souhaitez préparer vous-même des plats en purée, c’est également chez nous que vous trouverez les produits qu’il vous faut. Aliments pour seniors C’est sous ce terme générique que Transgourmet a composé une sélection d’articles qui, grâce à leur dimension ou à leur composition, sont taillés sur mesure pour les besoins des personnes âgées. En ce qui concerne les produits à base de viande, nous avons affaire à des portions très petites, pour le poisson à des produits sans arêtes. PUBLIREPORTAGE Transgourmet Suisse SA Lochackerweg 5 | 3302 Moosseeedorf | transgourmet.ch/care Intégration avec votre système Digitalisez votre établissement avec l’App motica La meilleure App pour les soins de longue durée. Rendez-nous visite NOUVEAU

ARTISET 04 I 2022 5 Sommaire SONT CERTIFIÉES CRADLE TO CRADLE NOS ENCRES D’IMPRESSION Impressum. Rédaction: Elisabeth Seifert (esf), rédactrice en chef; Urs Tremp (ut); Claudia Weiss (cw); Anne-Marie Nicole (amn); France Santi (fsa); Jenny Nerlich (jne) • Correction: Stephan Dumartheray • Éditeur: ARTISET • 1ère année • Adresse: ARTISET, Zieglerstrasse53,3007Berne•Téléphone:0313853333,e-mail:info@artiset.ch,artiset.ch/ magazine • Annonces: Zürichsee Werbe AG, Fachmedien, Laubisrütistrasse 44, 8712Stäfa, téléphone: 044 928 56 53, e-mail:markus.haas@fachmedien.ch•Graphisme et impression: AST&FISCHER AG, Seftigenstrasse 310, 3084 Wabern, téléphone: 031 963 1111 • Abonnements: ARTISET, téléphone: 031385 33 33, e-mail: info@artiset.ch •Abonnement annuel CHF 125.– •Parutions: 8× allemand (4600 ex.), 4× français (1400 ex.) par année • Certification des tirages par la REMP 2022 (pour la version en allemand): 3205 ex. (dont 2989 ex. vendus), réimpression, en tout ou partie, selon accord avec la rédaction et indication complète de la source. 17 34 54 Socialstore Awards Découvrez comment les cinq produits médaillés d’or sont fabriqués. À la une 6 Salome Balasso: une experte de sa propre expérience 10 Loco-motivo: une émission de radio dédiée 13 L’entraide a des effets positifs tant au niveau individuel que sur la société 17 En Suisse romande, un réseau a pris son envol, par et pour les seniors 20 Quand les pairs avec une expérience psychiatrique sont membres de l’équipe 24 Dylan Yenni, un pair formé à la facilitation d’inclusion 28 Des conseils, de care leaver à care leaver Les brèves 32 Soutien aux institutions formatrices L’actu 34 Concilier vie professionnelle et vie privée 38 Digitalisation: un projet d’habitat pour l’avenir 41 Handicap: la mission de la nouvelle préposée neuchâteloise à l’inclusion 44 Roger Wicki: de l’enfant en foyer au directeur d’EMS 48 Socialstore Awards: les projets primés 50 Habitat: autonomie de vie des personnes avec des troubles psychiques Espace politique 54 Sarah Wyss, conseillère nationale PS, Bâle-ville

À la une Experte d’expérience En sa qualité de pair avec une expérience et des connaissances en psychiatrie, Salome Balasso aide d’autres personnes concernées ainsi que les équipes professionnelles. Photo: Marco Zanoni

ARTISET 04 I 2022 7 Salome Balasso est une jeune femme séduisante. Son sac à main rouge est assorti à son pantalon tout aussi rouge et ses yeux bleu-vert sont discrètement maquillés. Une observation plus attentive permet de déceler une légère tristesse dans son regard. C’est lorsqu’elle retire son court manteau bleu marine et qu’elle prend place à la table que l’on remarque les nombreuses fines cicatrices sur ses bras. Elles remontent à son adolescence, lorsque le désespoir et la pression étaient si fortes qu’elle ne pouvait y faire face qu’en s’automutilant. La jeune Bernoise de 33 ans a l’expérience de la psychiatrie. Un «trouble de la personnalité borderline» et un «état de stress post-traumatique complexe» ont été diagnostiqués. Mais depuis sept ans, elle est «pair qualifiée»: une experte d’expérience en psychiatrie, au bénéfice d’une formation complémentaire «EX-IN» (voir encadré). Sa formation de pair lui a permis d’apprendre beaucoup sur elle-même et l’a tant passionnée qu’elle a, depuis, suivi de nombreuses formations, notamment en thérapie comportementale dialectique et en recovery. Avec toutes ces connaissances, Salome Balasso a beaucoup gagné en assurance. Elle est devenue une spécialiste chevronnée de thématiques telles que la régulation des émotions, l’approche des dissociations et des traumatismes, les proches de personnes dépressives, bipolaires ou dépendantes, et les enfants de parents avec des troubles psychiques. Son avantage est de connaître le sujet, non pas seulement en théorie, mais bien par sa propre expérience. Elle a appris à gérer ses troubles au fil des nombreuses thérapies et séjours en psychiatrie, et au sein de groupes d’entraide. Au cours des années, ses difficultés se sont transformée en une précieuse expérience et lui ont conféré les compétences nécessaires pour conseiller d’autres personnes en proie à des bouleversements psychiques. Mais une enfance passée entre deux parents avec des troubles psychiques a laissé des traces durables. Son père luttait contre les dépressions à répétition, sa mère contre les angoisses, les obsessions et, vraisemblablement, contre un trouble borderline. L’instabilité faisait partie du quotidien familial. «Par moments, j’ai eu une très belle enfance», insiste-t-elle. «Mes parents faisaient de leur mieux pour nous donner de l’amour, à mon frère et à moi.» Tout ce positif disparaissait cependant dans la réalité du quotidien. À huit ans, de retour d’un camp de vacances, Salome a appris que sa mère était hospitalisée en clinique et qu’elle-même et son frère, de deux ans son aîné, allaient devoir vivre dans un foyer pour enfants pendant quelques mois. «C’est là qu’a débuté ma peur de la perte», se souvient-elle. La peur que son père puisse se jeter du balcon de chagrin, comme il menaçait souvent de le faire, a provoqué chez elle une réelle difficulté à prendre de la distance. Lorsque sa marraine entre dans une secte, elle perd une personne de référence importante et a le sentiment de devoir porter seule le sort de toute sa famille. Des expériences marquantes Salome s’est alors progressivement enfermée dans le mutisme, et son frère dans la rébellion. Il est allé dans une autre école, plus éloignée, et n’a plus participé à la vie de famille. Se sentant alors encore plus seule, elle a commencé à s’automutiler. À 15 ans, à la suite d’une tentative de suicide par overdose de médicaments, qui «était plutôt un appel au secours», elle est placée dans une unité de psychiatrie pour adolescents. Cependant, le contact avec des jeunes plus âgés, gravement atteints psychiquement, qui fumaient des joints et buvaient de l’alcool, a été plus perturbant que bénéfique. S’en sont alors suivis des mois en habitat protégé, une expulsion, un séjour en centre de crise, une hospitalisation Salome Balasso connaît bien la psychiatrie. Mais elle est également «pair» qualifiée, experte d’expérience, au bénéfice d’une formation complémentaire. Elle sait mieux que la plupart des spécialistes ce qu’on ressent face au gouffre et elle peut apporter aux personnes qui vivent pareils bouleversements psychiques des conseils utiles et personnalisés, en expliquant aux spécialistes ce qui aide ou non les personnes concernées. Claudia Weiss

8 ARTISET 04 I 2022 À la une dans une unité des services psychiatriques universitaires de Berne (SPU), puis à nouveau en habitat protégé… Salome Balasso a perdu le compte de toutes les étapes marquées par l’instabilité qui se sont enchaînées. Un séjour d’un mois par le biais du «Projekt Alp» dans une ferme isolée, puis un placement dans la ferme d’une famille d’accueil ont, pour la première fois, apporté un peu de stabilité à la jeune fille de 16 ans: «Les trois filles de la famille ont été pour moi comme des sœurs cadettes», raconte-t-elle avec un sourire. Ce fut une période très positive, avec une famille qui l’entourait. Alors, lorsque les choses sont devenues plus difficiles, elle n’a pas voulu les lui imposer, choisissant de partir. Entrer en psychiatrie. Et en sortir Elle n’a pas tardé à pousser une nouvelle fois la porte de la psychiatrie. Jusqu’à ce que, alors qu’elle a 19 ans, se produisent deux tournants importants dans sa vie: d’abord, la pose du diagnostic de trouble de la personnalité borderline (TPB), «à la fois un soulagement mais aussi une étiquette qu’on vous colle». Ensuite, la rencontre, en clinique, de son compagnon Christian Heiniger, de six ans son aîné, diagnostiqué bipolaire et dépendant à l’alcool. Il ne boit plus depuis trois ans et travaille en tant que pair depuis six ans. Les yeux de Salome Balasso s’illuminent lorsqu’elle parle de lui. «Tout le monde disait que cela ne pourrait jamais marcher. À la clinique, les spécialistes se sont fermement opposés à notre relation», raconte-t-elle. Mais ils se trompaient complètement: «C’était il y a quatorze ans, et nous vivons toujours ensemble.» Participer au groupe d’entraide créé par Momo Christen, qui a raconté son expérience personnelle douloureuse dans un livre, l’a portée en avant. «Ce sont des heures qui m’ont énormément aidée», souligne Salome Balasso. «Momo m’a permis de comprendre que je pouvais me sortir de la psychiatrie.» Et de fait, les groupes d’entraide et toutes les formations continues ont fait de l’adolescente paumée et sans défense une jeune femme forte, qui sait comment prendre soin d’elle et aider les autres dans les moments difficiles. Sur son compte Instagram «salome_skillskiste», elle apparaît comme activiste de la santé mentale et écrit sur des sujets qui restent encore tabous. «Je souhaite par ce biais m’adresser en particulier aux jeunes.» Elle sort soigneusement de son sac son panier à astuces, qu’elle a tressé elle-même, et dépose un à un des objets sur la table: des élastiques à cheveux, des bâtonnets parfumés à la menthe et à l’ammoniaque, et un petit pot de Baume du Tigre à l’odeur particulièrement prononcée. «Ma mini-valise à astuces», explique-t-elle en saisissant entre ses doigts une petite boule en métal à picots, son objet préféré. Elle la fait tourner rapidement entre ses mains, ce qui produit sur ses doigts une forte stimulation appaisant le stress. Ces objets sont des outils importants, qu’elle complète en permanence. Ils sont une aide lorsqu’une personne ressent le besoin de se blesser, comme elle-même l’a fait pendant des années. Aujourd’hui, elle l’assume et ne dissimule pas ses cicatrices: «Elles font partie de moi et de mon histoire». Des perspectives pour les professionnel·les Avec son histoire et son expérience, Salome Balasso ouvre aussi d’importantes perspectives pour les professionnel·les. Elle est ainsi à même d’expliquer, par exemple, que rien ne sert de faire pression, dans une unité psychiatrique, sur une personne qui s’est automutilée ou qui a abusé des médicaments en dépit d’un accord sur lequel elle s’est engagée: «On se sent déjà suffisamment mal comme ça. Ce qui serait plus utile, c’est un soutien positif, un mot d’encouragement, par exemple, pour relever qu’on a tout de même réussi à tenir deux mois sans s’infliger de blessures.» Salome Balasso a appris à s’aider elle-même, à se détendre grâce à la méditation et à des exercices de pleine conscience. Elle puise également de la force dans son couple et en câlinant son chat. Mais ce qui lui donne le plus d’énergie, ce sont des témoignages comme celui de cette patiente, à l’issue du groupe de régulation des émotions organisé aux SPU de Berne: «Tu sais, chaque vendredi, l’exemple que tu donnes me permet de réaliser qu’il y a encore une vie après la clinique.» Ou le compliment reçu d’une infirmière en psychiatrie, lorsqu’elle lui a confié: «Grâce à vous, les pairs, j’ai appris à penser autrement et à ne pas voir uniquement des patients récurrents, mais des personnes avec des ressources.» Ce genre de témoignages l’aide durant les jours moins fastes. Car elle le sait désormais: «Il peut y avoir des rechutes, le processus de rétablissement est l’affaire de toute une vie.» FORMATION DE PAIR EX-IN Depuis 2010, l’association EX-IN Schweiz propose une formation continue de pair aux personnes qui ont vécu des situations de crise. Cette formation s’étend sur environ une année et comprend douze modules de trois jours avec près de 300 heures en auto-apprentissage et 190 heures de pratique. Les éléments importants sont les notions de recovery et d’empowerment: les personnes concernées doivent renforcer leurs compétences dans des domaines comme l’autodétermination, la quête de sens et la réalisation de soi, elles doivent prendre part à la vie en société, contrôler leur propre vie et croire en leurs propres idées de solution. ➞ www.ex-in-schweiz.ch ➞ positiveraendere.ch

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10 ARTISET 04 I 2022 À la une Radio –­ un projet fou et motivant Adrian à la table de mixage, Sacha au micro: les membres de la rédaction de la radio «loco-motivo», qui ont vécu une expérience en psychiatrie, interviennent comme des professionnels lorsqu’ils enregistrent, début novembre, l’émission «Alles-gelogen!?» (trad. tout est mensonge!?). «C’est génial de produire une émission et de faire bouger les choses», déclarent-ils d’une seule et même voix. Regard dans les coulisses de l’émission. Claudia Weiss «Radio Loco» En Argentine et au Chili, l’émission «Radio Loco», dont les reportages sont réalisés par des personnes qui ont vécu une expérience en psychiatrie pour d’autres personnes concernées par ce thème, est diffusée depuis les années 1990 en direct d’une clinique. Le nom de l’équivalent bernois, «loco-motivo», se compose des mots espagnols «loco», qui signifie «fou» au sens affectueux du terme, et «motivo», qui veut dire «motivation». L’équipe de rédaction n’est pas composée de spécialistes, mais de personnes ayant vécu des expériences en psychiatrie, qui les partagent avec d’autres personnes concernées et sensibilisent le public, y compris les pairs. El loco-motivator Gianni Python, spécialiste en psychiatrie et infirmier de santé publique, a émigré au Chili, où il a découvert en 2009 la «Radio Loco» durant un stage à Valparaíso. Le fait qu’il ait apporté cette idée en Suisse est une chance. Pourtant, tout a commencé par un malheur: Gianni Python a dû rentrer en Suisse en 2011 à cause de problèmes cardiaques. Il a tout de suite eu la conviction qu’une radio pour les personnes en crise psychique devait voir le jour en Suisse. Il s’est alors mis à la recherche de sponsors ainsi que d’une équipe de rédaction et a fondé Radio loco-motivo il y a douze ans. Lorsque Gianni Python a reçu un nouveau cœur en 2015, le projet qui lui tenait tant à cœur était devenu entre-temps un programme régulier.

ARTISET 04 I 2022 11 ➞ La Transmisiòn ➞ www.rabe.ch/ radio-loco-motivo/ El programa Les deux femmes et huit hommes qui composent actuellement l’équipe de rédaction changent de rôle lors de l’émission et deviennent les intervieweurs, parfois aussi durant «Trialoco», un trilogue entre les personnes concernées et les spécialistes diffusé en direct. Ils transmettent des connaissances au sujet des tableaux cliniques et discutent de thèmes tabous tels que les unités ouvertes ou fermées en psychiatrie ou la médication forcée. Ils expérimentent ainsi l’autodétermination, l’inclusion et un changement de regard, soutenant d’autres personnes concernées et portent leurs préoccupations à la connaissance du grand public. Loco-motivissimo Radio loco-motivo a gagné deux prix en 2015: le «Prix Printemps für Menschen mit Behinderungen» (Prix Printemps pour les personnes en situation de handicap) et le «Prix Perspectives», qui récompense l’engagement dans les domaines de la schizophrénie et des troubles bipolaires. Le groupe bernois Colibri a composé le jingle et la chanson loco-motivo spécialement pour l’émission. Los factores L’espace de diffusion de Radio loco-motivo est offert par la radio communautaire bernoise RaBe, qui propose également une plate-forme aux minorités et met tout le monde sur un pied d’égalité. Les rédactrices et rédacteurs ont acquis les connaissances techniques nécessaires lors d’un cours de base de trois jours à l’école de radio klipp+klang. Ils y suivent régulièrement des cours de formation continue, par exemple sur la manière de parler dans un microphone ou la réalisation de reportages avec des sons originaux. La communauté d’intérêts de psychiatrie sociale du canton de Berne assure et finance l’accompagnement professionnel: la rédaction est soutenue par une équipe de coordination constituée de Gianni Python, expert en psychiatrie, et d’une journaliste radio, actuellement Heidi Kronenberg, qui sera remplacée en janvier par Wilma Rall. Cette équipe veille à ce que les conditions de travail des personnes ayant vécu une expérience en psychiatrie soient adéquates.

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ARTISET 04 I 2022 13 L’échange entre personnes confrontées au même type de problèmes a des effets positifs sur le plan personnel comme sur le plan social. Lukas Zemp, directeur de la Fondation Info-­ Entraide Suisse*, s’engage pour un ancrage de l’entraide dans la loi et s’efforce de nouer des partenariats avec des organisations des domaines du social et de la santé. Propos recueillis par Elisabeth Seifert «Le groupe d’entraide renforce les ressources personnelles» La Fondation Info-Entraide Suisse s’engage pour l’entraide autogérée. De quoi s’agit-il exactement? L’entraide autogérée permet à des personnes partageant les mêmes problèmes, une préoccupation commune ou une situation de vie similaire, de s’unir pour s’entraider. Les groupes conçoivent et organisent leurs discussions avec soin. Durant la phase initiale et en cas de difficultés, ils sont accompagnés, dans les centres d’entraide régionaux, par des spécialistes. L’entraide autogérée peut apporter une aide et un soutien en cas de maladie ou de handicap physique ou psychique, ou encore pour des problématiques liées à la vie en société. Les participant·es se perçoivent comme des expert·es dans leur domaine. ... est-ce que cela signifie qu’il existe un certain champ de tension entre l’entraide autogérée et l’expertise des professionnel·les? L’entraide autogérée ne remplace pas un soutien professionnel, elle le complète et est très utile dans les domaines évoqués. En Suisse, l’entraide autogérée est née dans les années 1980 du désir de renforcer les ressources individuelles propres, et ainsi d’encourager les compétences personnelles. Les approches d’empowerment fonctionnent de manière similaire. Là aussi, il s’agit d’activer les forces d’autoguérison et d’expérimenter son auto-efficacité. Les groupes d’entraide autogérés organisés offrent un bon cadre de rencontre entre partenaires, sur un pied d’égalité et sans paternalisme. Où en est l’entraide autogérée aujourd’hui, près de quarante ans après ses débuts? En accord avec l’idée même d’entraide autogérée, il s’agissait avant tout, au début, d’un mouvement bottom-up classique, donc d’un mouvement initié et développé par les personnes concernées elles-mêmes. Au fil du temps, des structures professionnelles se sont mises en place pour promouvoir la qualité de l’entraide autogérée et faire mieux connaître ses préoccupations auprès du grand public. La Fondation Info-Entraide Suisse existe depuis bientôt vingt ans. Elle agit en tant que coordinatrice et prestataire de services pour vingt-deux centres d’entraide régionaux, qui sont eux-mêmes des points de contact et de conseil pour les groupes d’entraide. Concrètement: combien y a-t-il de groupes d’entraide à l’heure actuelle? Il y a aujourd’hui environ 2800 groupes locaux d’entraide à travers la Suisse, portant sur près de 300 thématiques. Au total, ces rencontres réunissent près de 45 000 participant·es. Les trois quarts des groupes sont en lien avec le domaine psychique ou somatique, et environ un quart avec ce qui touche au social. Il est intéressant de relever que pour ce qui est du domaine de la santé, les groupes consacrés aux thématiques psychosomatiques et psychologiques l’emportent de plus en plus sur ceux en lien avec les seuls aspects À la une

14 ARTISET 04 I 2022 À la une somatiques. Une évolution qui reflète les problèmes de notre société. Mais à côté de ces groupes d’entraide, existe-t-il également de véritables organisations d’entraide? À l’échelle de la Suisse, il existe plus de 200 organisations d’entraide. Elles se concentrent sur des thématiques plus spécifiques et sont plus structurées que les groupes d’entraide locaux. Ces organisations, qui font partie du réseau d’Info-Entraide Suisse, assument des tâches de conseil et de défense des intérêts. À l’instar des centres régionaux, elles coordonnent et accompagnent également les groupes d’entraide. Il s’agit d’une part de groupes autonomes, comme dans l’entraide autogérée classique ou dans les groupes d’entraide vidéo, mais également de groupes conduits par des professionnel·les et dans lesquels des spécialistes prennent part aux rencontres. Comment et où placez-vous le soutien par les pairs? Pour commencer, les «pairs» sont simplement des «personnes également concernées». En particulier dans le domaine à la santé psychique et dans le cadre du mouvement recovery, les «pairs» sont en fait des «expert·es de leur propre expérience» qui suivent en outre une formation spécifique et sont engagé·es par des institutions en tant que collaboratrices et collaborateurs. Les «pairs» deviennent ainsi des sortes de spécialistes? L’implication de pairs se situe entre l’entraide autogérée et l’entraide professionnelle. Le rôle que peuvent jouer les pairs est un sujet d’actualité tout particulièrement au sein des organisations d’entraide, mais également d’Info-Entraide Suisse et dans les centres d’entraide. Mais un certain nombre de questions ne sont pas encore véritablement résolues dans ce contexte. À commencer par la définition de ce que sont les «pairs». Parle-ton ici de personnes concernées disposant de connaissances complémentaires ou de professionnel·les qui sont également des personnes concernées? Pour en revenir à l’entraide autogérée: où se situe la Suisse en comparaison internationale? La Fondation Info-Entraide Suisse a conclu un mandat de prestations depuis plusieurs années avec l’Office fédéral des assurances sociales, à quoi s’ajoute un soutien sous forme de contributions de la part des cantons. Mais l’ensemble de ces contributions ne couvre qu’une partie des coûts effectifs du mouvement d’entraide en Suisse. Vous engagez-vous pour que l’entraide soit inscrite dans la législation suisse? Une motion en ce sens a été déposée par la conseillère nationale socialiste bâloise Sara Wyss. Le Conseil fédéral l’a rejetée fin février de cette année, et elle doit encore être examinée par le Parlement. Du côté d’Info-Entraide Suisse, nous nous engageons pleinement pour que cette motion soit adoptée. Nous espérons qu’une étude de la littérature, commandée début novembre par l’Office fédéral de la santé publique sur le rapport coût-efficacité et les compétences en matière d’autogestion, vont nous donner un coup de pouce. Dans ce contexte, l’entraide est une composante essentielle de l’autogestion. L’entraide est-elle un moyen de réaliser des économies? L’étude montre que le fait d’encourager les compétences d’autogestion, et donc l’entraide, peut permettre de soulager le système de santé et la société ainsi que de réaliser des économies en Suisse. Une étude commune réalisée par la Haute école lucernoise et l’Université de Lausanne en 2017 n’avait-elle pas déjà montré que l’on obtient de bons résultats grâce à l’entraide? Cette étude montrait clairement que l’entraide a des effets positifs tant au niveau individuel que sur la société en général. La participation à un groupe permet en effet de se sentir mieux d’une manière générale. Le sentiment de culpabilité s’allège également en voyant que d’autres personnes vivent les mêmes choses. Dans une situation difficile, les personnes ne se sentent pas seules et cela leur permet de trouver des solutions pratiques qui Lukas Zemp, directeur de la Fondation Info-Entraide Suisse: «L’entraide Photo: privée

ARTISET 04 I 2022 15 Annonce ont déjà fait leurs preuves chez d’autres. Les relations avec les proches, mais également avec les équipes professionnelles, s’améliorent également. À quoi on peut ajouter la création de nouvelles relations. Et dans quelle mesure l’étude a-t-elle pu démontrer un impact au niveau de la société en général? L’entraide complète le système de santé tout comme le domaine social et contribue à la prévention. Elle permet de surcroît une sensibilisation sur des thématiques nouvelles qui concernent la société dans son ensemble. Les membres de groupes d’entraide sont des patientes et des patients critiques qui peuvent ainsi avoir une influence positive sur la qualité et l’offre du système sanitaire et social. Les groupes d’entraide peuvent notamment contribuer à une meilleure prise en compte des intérêts des personnes concernées. Comment jugez-vous le positionnement de l’entraide dans les domaines de la santé et du social? Les centres régionaux d’entraide, en particulier, ont mis en place ces dernières années de nombreuses coopérations avec des services et cliniques psychiatriques, mais également avec des hôpitaux, des centres de consultation sociale et des organisations de personnes en situation de handicap. Le secrétariat d’Info-Entraide Suisse fait également de gros efforts pour conclure des partenariats avec différents acteurs des domaines de la santé et du social. Il y a là encore, à mon sens, un potentiel considérable. Mais ce qui est important, c’est justement de prendre encore mieux en compte l’expérience et les compétences des personnes concernées. C’est précisément l’objectif que nous voulons atteindre, avec le soutien de Promotion Santé Suisse, avec notre projet actuel: «Renforcer les compétences en santé par des hôpitaux favorables à l’entraide». Comment un hôpital devient-il «favorable à l’entraide»? Dans un hôpital qui est favorable à l’entraide, le corps médical, les équipes permet de soulager le système de santé et la société .»

16 ARTISET 04 I 2022 À la une STEFAN TRACHSEL www.keller-be atung.ch 056 483 05 10 5405 Baden-Dättwil strategie Projekte controlling Prozesse Digitalisierungsstrategie – beDürfnisgerecht «Von der Strategie zur Masterplanung: wir unterstützen Sie bei der Erarbeitung Ihrer Strategie und deren Konkretisierung in zukunftsgerichtete Umsetzungspakete.» Ihre Spezialisten für Spital, Heim und Spitex Annonce soignantes, les thérapeutes et d’autres membres du personnel travaillent en collaboration avec des groupes d’entraide. Lors de leur sortie, les patientes et patients, mais aussi leurs proches, sont par exemple informés sur la possibilité de faire partie d’un groupe d’entraide. Les groupes d’entraide ont la possibilité de participer à des formations continues ou à des réunions d’information à l’interne, ce qui peut contribuer à améliorer les processus de prise en charge. Un certain nombre d’hôpitaux suisses sont déjà certifiés «hôpitaux favorables à l’entraide». Quel potentiel voyez-vous dans la collaboration avec les prestataires pour personnes ayant besoin de soutien? Le concept que nous avons développé pour amener les hôpitaux à devenir favorables à l’entraide pourrait également être appliqué aux institutions médico-sociales, sociales et aux prestataires du secteur ambulatoire. Peu importe que les personnes âgées ou en situation de handicap vivent dans leur propre logement ou en institution: participer à des groupes d’entraide renforce considérablement l’autonomie et les compétences personnelles chez les personnes concernées et leurs proches, et permet ainsi d’améliorer leur qualité de vie. Êtes-vous à même de concrétiser cette valeur ajoutée également pour les personnes vivant en institution? Au sein des groupes d’entraide, les personnes échangent entre elles. Elles décident elles-mêmes de l’objectif de leurs discussions. Les EMS pourraient par exemple créer des groupes de discussion ou des espaces de participation pour leurs résidentes et résidents. Un groupe d’entraide autogérée externe permet aux résidentes et résidents d’entrer en contact avec des personnes qui sont certes dans la même situation, mais en dehors de leur propre institution. Une manière d’encourager et de renforcer leur intégration sociale. * Lukas Zemp est né en 1960. Il dirige la Fondation Info-Entraide Suisse depuis début 2022. Son domaine de compétence est la communication et le management associatif. Avant de rejoindre Info-Entraide Suisse, il a travaillé pour diverses organisations nationales et participé à plusieurs projets dans le domaine médical, ainsi que dans les champs de la santé et du social. Pour en savoir plus: ➞ www.infoentraidesuisse.ch/ «Les membres de groupes d’entraide sont des patientes et patients critiques qui peuvent ainsi avoir une influence positive sur la qualité et l’offre du système sanitaire et social.» Lukas Zemp

ARTISET 04 I 2022 17 À la une Comme tous les jeudis matin, dans la salle de paroisse de Mont-sur-Lausanne, le Café Solidaire rassemble une vingtaine de personnes, parfois davantage. Ce jeudi, elles sont plus d’une trentaine à se presser à la porte, dès neuf heures trente, accueillies par Gérard Tissot et Edgard Raeber qui assurent ce jour-là le service du café. L’ambiance est chaleureuse, on se salue, on interpelle de loin celles et ceux qui ont déjà pris place dans la salle, on prend des nouvelles des uns, on s’enquiert de la santé des autres. Une grande table est accolée au bar, près de l’entrée. Divers documents y sont déposés, rappelant les activités à venir. Les personnes intéressées sont invitées à s’inscrire, ici pour une excursion, là pour une conférence, ailleurs encore pour le repas solidaire. Il y a également une liste sur laquelle les volontaires peuvent communiquer leurs disponibilités pour véhiculer le doyen nonagénaire du groupe, qui peine à se déplacer seul. Il y a aussi parfois une carte à signer pour souhaiter un prompt rétablissement à une personne malade. Enfin, ce moment où tout le monde est réuni est l’occasion d’informer sur les projets à venir. «C’est magique, ici!» Le Café Solidaire est certainement une activité clé de l’association Mont Solidaire. Il a pour ambition l’entraide, l’écoute et l’échange. C’est un lieu de rencontres, où des liens d’amitié se nouent entre les seniors de la commune. Pour les nouvelles et nouveaux venus, c’est la première porte à pousser pour faire connaissance et trouver de la compagnie. «À notre âge, la solitude guette parfois!», avertit Gisela Raeber, alerte octogénaire et membre du groupe de gestion de l’association. «Qu’on soit seul, en couple, en EMS ou en habitat protégé, c’est magique ici!», affirme-t-elle, enthousiaste, elle qui s’émerveille de découvrir la richesse des parcours et des histoires de vie des gens qu’elle rencontre au Café Solidaire et qu’elle croise désormais dans la rue ou dans les commerces. «Nous avons besoin de jeunes vieux!» L’association Mont Solidaire a vu le jour en juin dernier. Elle est le fruit d’une démarche communautaire participative menée par et pour les seniors, avec le soutien de Pro Senectute Vaud, du canton de Vaud et de la commune de Mont-sur-Lausanne. Objectif: maintenir les liens sociaux et améliorer la qualité de vie des seniors. Anne-Marie Nicole UNE MÉTHODE ÉPROUVÉE La démarche des «Quartiers & Villages Solidaires» de Pro Senectue Vaud a pour but de développer les liens sociaux pour améliorer la qualité de vie des aîné·es dans un village ou un quartier, selon un processus participatif. La méthodologie d’accompagnement de projets communautaires se déroule en six étapes, sur quatre à cinq ans pour un quartier et sur trois ans et demi pour un village: analyse préliminaire, diagnostic, construction, émergence, réalisation, autonomisation. En 20 ans, Pro Senectute Vaud a ainsi accompagné une quarantaine de projets. ➞ www.quartiers-solidaires.ch

18 ARTISET 04 I 2022 Gisela et Edgard Raeber vivent depuis quarante ans au Mont-sur-Lausanne. Pour autant, jusqu’il y a cinq ans, ils ne connaissaient pas grand monde dans la commune, hormis leurs voisins immédiats. Il faut dire que le territoire du Mont-sur-Lausanne s’étale sur quelque 980 hectares et compte près de 10000 habitants. Plus proche du statut de ville que de village, le Mont a connu une croissance démographique rapide, avec le risque de délitement des liens sociaux au sein de la population. Lucien Paillard, co-président du groupe de gestion, qui soufflera bientôt ses 80 bougies, est la cheville ouvrière du projet qui a conduit à la création de l’association Mont Solidaire. En 2016, le syndic du Mont s’était inquiété du peu d’intérêt témoigné par les seniors pour leur bien-être. Il s’en était ouvert à Lucien Paillard qui avait mis en évidence les avantages de la démarche communautaire initiée par Pro Senectute Vaud dès le début des années 2000: les «Quartiers & Villages Solidaires» (lire l’encadré). C’est ainsi qu’un projet de type «Quartier Solidaire» a officiellement démarré au Mont-sur-Lausanne en juin 2017, mené par et pour les seniors de la commune, sous l’égide du dicastère municipal de l’éducation, de la culture et de l’environnement, et sous la conduite de l’unité de Travail social communautaire de Pro Senectute Vaud. «Ce projet, qui s’adresse aux seniors, postule que ces derniers sont les experts de leur environnement proche, de leur quartier, des rues qu’ils fréquentent quotidiennement», écrivait le conseiller municipal Philippe Somsky, à l’automne 2017, assurant en même temps le soutien de la municipalité. Et de poursuivre: «Cette démarche leur offre l’opportunité de donner leur avis, d’émettre des recommandations pour les autorités afin d’améliorer leur cadre de vie (…) Mais cette démarche vise également l’auto-organisation, car ce sont nos aînés qui sont les plus à même de définir leurs besoins (…)» Le processus participatif a officiellement pris fin au printemps dernier, avec l’autonomisation du projet et la constitution de l’association Mont Solidaire pour prendre le relais. Si un groupe de gestion a été mis en place pour assurer l’administration de l’association, la structure reste horizontale et participative, et repose principalement sur le groupe Habitants, ouvert à l’ensemble des seniors, et chargé de développer et décider des projets et des activités. Les liens avec les acteurs du terrain sont assurés par le groupe Ressources, lequel réunit la commune du Mont, la paroisse protestante, le centre médico-social, l’EMS La Paix du Soir, diverses associations et fondations ainsi que l’unité d’action sociale régionale de Pro Senectute Vaud. Dès 2023, la commune versera une subvention annuelle avec, en sus, possibilité d’apporter un soutien complémentaire pour des projets précis. La «banque du temps», un réseau d’entraide Pour marquer la naissance de Mont Solidaire, une «Fête de l’envol» a été organisée le 18 juin, avec, notamment, la L’association Mont Solidaire a pris son envol en juin 2022 et rassemble des personnes de tous horizons, parmi lesquelles Gisela Raeber (assise, à droite) et Lucien Paillard (debout, à gauche). Photo: Mont Solidaire

ARTISET 04 I 2022 19 Hygiene- Services ServiceAngebot RaumluftHygiene Schmutzfangmatten WaschraumHygiene WIR BIETEN MEHR ALS HYGIENE. WIR BIETEN EIN SICHERES GEFÜHL. Werden Sie Partner und profitieren Sie von einer ganzheitlichen Betreuung und Beratung, zuverlässigen Service-Dienstleistungen und innovativen Produktlösungen. Rentokil Schweiz AG Hauptstrasse 3 4625 Oberbuchsiten Tel. 0800 728 237 www.initial.com/ch The Experts in Hygiene ist zurück! Annonce présentation par les seniors d’un sketch intitulé «La baguette magique». Cette production théâtrale dit tout de cette aventure. Elle nous apprend qu’Adriana propose une marche chaque premier lundi du mois, que Daniel est responsable du cyber-café, que Françoise est en charge des activités culturelles et que Johanna gère la «Tribu des bons vivants». On découvre aussi qu’un groupe soucieux de biodiversité a aménagé Jardimont, un potager en permaculture avec des nichoirs, un hôtel à insectes, deux mares ou encore une prairie fleurie. S’ajoutent les mercredis de jass, les vendredis de pétanque, les rencontres intergénérationnelles, le club de lecture, l’atelier de tricot et crochet, la grainothèque et des cours de gymnastique douce. Sans oublier la «banque du temps». Comme l’explique Lucien Paillard, il s’agit d’un réseau d’entraide non rémunéré – «un sourire et un merci suffisent», peut-on lire sur le formulaire d’offres. Chacune et chacun peut y inscrire ses savoirs et ses talents, ou ses demandes d’aide: petites réparations, montage de meubles, transport de personnes, conseils juridiques ou immobiliers, taille des arbres, support informatique, cours de langue, etc. La banque du temps compte une petite vingtaine de personnes qui mettent ainsi leurs compétences à disposition des autres. Les ressources du groupe sont riches. Mais encore sous-utilisées. «Nombre de personnes n’aiment pas demander de l’aide», observe Gisela Raeber. La question de la relève se pose Mont Solidaire réunit des personnes d’horizons culturel, professionnel et social très divers. «On arrive toujours à s’entendre, et on rit beaucoup même!», assure Gisela Raeber. «On doit laisser nos préjugés de côté et apprendre à être plus tolérant et respectueux», ajoute Lucien Paillard. Sur les quelque 170 personnes qui ont rejoint Mont Solidaire, une quarantaine s’implique activement. Au-delà de la fierté et du plaisir de faire partie de ce mouvement citoyen, on sent aussi une certaine inquiétude: bien que toujours très actifs malgré l’âge qui avance, ces membres verraient d’un bon œil l’arrivée de seniors plus jeunes pour prendre la relève. «Un dynamisme étonnant nous relie, cela fourmille d’idées et d’initiatives, mais ce dynamisme est fragile», confie Nano de Vries, qui a été le chauffeur du jour pour le doyen nonagénaire. «Nous avons besoin de jeunes vieux!» Cette question occupera certainement les réflexions et actions à venir.

À la une Bâtisseurs de ponts et porteurs d’espoir Pedro Codes, un pair membre du personnel, en entretien avec une résidente: les discussions se passent mieux en se promenant dans le parc du château. Photo: Marco Zanon

ARTISET 04 I 2022 21 Les dernières feuilles d’automne ont des teintes jaune-orangé. Au loin, le château qui a donné son nom à l’institution Schlossgarten Riggisberg, près de Berne. Pedro Codes et l’une des résidentes se promènent lentement sur le chemin de gravier, en pleine conversation. L’atmosphère est détendue. Mais ce genre de promenade est bien plus important qu’il n’y paraît: Pedro Codes est l’un des deux pairs membres du personnel. Il a vécu une expérience en psychiatrie et son travail est un élément important de l’offre proposée par l’institution. Tous les mercredis, il mène entre trois à cinq entretiens de consultation au sein de Schlossgarten Riggisberg. Cet ancien journaliste spécialisé dans la musique a suivi avec succès une formation complémentaire en conseil psychosocial et a de très bonnes relations avec les résident·es. «La particularité de ce que je peux offrir consiste en ma propre histoire et ma compréhension personnelle», résume-t-il. Une dépression récurrente, un trouble anxieux, l’expérience de la migration et une mère atteinte de schizophrénie paranoïde: il a une expérience plurielle, et cela compte. Ce qui crée le lien, ce n’est pas la similarité des diagnostics, mais la similarité des expériences: «Mon histoire personnelle fait que les gens, tout simplement, me croient davantage.» Il préfère mener ses entretiens en se promenant avec les résident·es. «Ça permet aussi au cerveau de mieux fonctionner», plaisante-t-il. Il commence par laisser parler son interlocuteur·trice, en essayant de discerner les besoins que cela lui révèle. Il cherche des points communs, établit une relation et parle de sa propre expérience, tout en faisant aussi bien attention à ne pas donner trop de conseils: «Lorsque je révèle trop de choses de moi, je prive mon interlocuteur de la chance d’apprendre par lui-même.» En même temps, le fait de poser des limites lui est également bénéfique à titre personnel. Au début, les expériences douloureuses vécues par les personnes en face de lui l’affectaient fortement. «C’est un processus: je fais désormais la part des choses et sais que je peux aussi apporter de l’aide rien que par ma présence.» Si cela devient trop lourd à porter, un coaching externe lui apporte le soutien nécessaire. Des pairs dans l’équipe Ursula von Bergen, qui codirige le domaine Habitat et travail, veille au bien-être de «ses» pairs membres du personnel: «Il est très important pour moi de savoir comment ils vont, parce qu’ils sont importants au sein de notre équipe. Ils sont indispensables.» Elle en a été convaincue après avoir invité à deux occasions, des pairs externes à participer à des évènements organisés autour du thème du recovery, un modèle qui soutient l’auto-efficacité et le potentiel de guérison. Des personnes ayant vécu une expérience en psychiatrie qui accompagnent d’autres personnes concernées: pour elle, cela faisait tellement sens qu’il fallait absolument engager des pairs de façon permanente. «Pour les résident·es, les pairs sont des bâtisseurs de ponts et des porteurs d’espoir.» L’idée a rapidement germé d’engager un homme et une femme. Ursula von Bergen a fait paraître une annonce et invité les candidat·es à des entretiens d’embauche officiels, pour en sélectionner deux. Lorsque le centre de consultation de Schlossgarten a ouvert ses portes en 2019, l’une des offres proposées s’intitulait «Pairs. Conseils sur un pied d’égalité». Y figuraient les noms et les adresses e-mail de Pedro Codes et de Daniela Wegmüller. «Les résident·es se racontent parce qu’ils savent que la personne en face peut comprendre de quoi ils parlent quand leur monde est chamboulé par des séismes psychiques», affirme Daniela Wegmüller, la seconde des deux pairs membres du personnel. Elle a encore en mémoire ce jour où elle a invité un résident taciturne et replié sur lui-même à se joindre à une partie de jeu. «La première partie a été suivie d’une deuxième, puis une troisième, une quatrième... C’était tellement beau de voir son sourire, ses yeux s’éclairer pendant qu’il jouait, et à quel point il est resté motivé pendant toutes ces Au sein de l’institution Schlossgarten Riggisberg, près de Berne, le travail des pairs a pris une telle importance que l’institution a engagé en 2019 deux pairs ayant vécu une expérience en psychiatrie. Leur travail fait l’unanimité, car ils accompagnent les résidentes et résidents sur le chemin du rétablissement, vers l’auto-­ efficacité et une vie épanouie. Claudia Weiss

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