Une architecture adaptée

ARTISET Le magazine des prestataires de services pour les personnes ayant besoin de soutien À la une Une architecture adaptée L’engagement de Nicole Tille à la première session des personnes handicapées Une aide pour une bonne hygiène dentaire des enfants en situation de handicap Programme d’encouragement pour de meilleures conditions de tavail dans les soins Édition 01 I 2023

www.Lohmann-Rauscher.com L&R : une présence internationale, un enracinement régional. L'homme au cœur des préoccupations. Son bien-être est au centre de notre activité. Nous sommes fournisseur de solutions. Nous sommes à vos côtés. Avec expertise et assiduité. Lohmann & Rauscher (L&R) est une entreprise internationale majeure de dispositifs médicaux et de produits d'hygiène haut de gamme. Vous nous trouverez en Suisse sur le site de St-Gall. Fournisseur de solutions pour des exigences complexes en soin et traitement des patientes et patients, nous développons, produisons et distribuons entre autres des produits, concepts et services destinés au traitement des plaies, des bandes et des pansements, des systèmes de trousses opératoires pour hôpital et cabinet, ainsi que des produits pour le traitement par pression négative (CNP). Notre champ de compétences. La santé définit notre vision et nos valeurs. Vers notre boutique en ligne : Lohmann & Rauscher AG · Oberstrasse 222 · 9014 St. Gallen · Suisse

ARTISET 01 I 2023 3 Éditorial «Des préceptes tels que l’autonomie et la participation peuvent aussi s’appliquer dans la conception de maisons de plus grandes.» Elisabeth Seifert, rédactrice en chef Chère lectrice, cher lecteur Développer des idées architecturales, étudier des plans, accompagner la mise en œuvre d’un projet de construction jusqu’à à sa réalisation: c’est un privilège, en particulier lorsqu’il s’agit d’ouvrages qui marquent l’espace public par leur finalité. En font partie les constructions destinées à offrir un chez-soi aux personnes ayant besoin de soutien, aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap et aux jeunes. Pour les organisations et les institutions qui assument le rôle de maître d’ouvrage, ce privilège s’accompagne d’une grande responsabilité. Les nouvelles constructions, les transformations ou les rénovations requièrent des ressources financières et humaines importantes. Pour que les investissements en vaillent la peine, les projets doivent répondre aux besoins particuliers des personnes accompagnées. Dans l’accompagnement et les soins, nous assistons actuellement dans tous les domaines à un changement fondamental: le passage de l’assistance déterminée par des tiers à l’encouragement pour une vie autodéterminée et autonome et la participation sociale. Pour cela, des offres variées, perméables et ancrées dans l’espace social sont nécessaires. Les projets de construction pour les générations futures doivent tenir compte de cette nouvelle donne. À l’heure actuelle, il existe de nombreux projets intéressants et inspirants. Dans le domaine des personnes âgées, la colocation est un modèle qui permet particulièrement bien de répondre aux besoins individuels, mais qui est encore peu répandu. Deux organisations en font l’expérience, l’une dans le quartier inclusif de Westfeld, à Bâle, l’autre sur les hauts d’Yverdon (p. 6 et 9). Les colocations et les petits groupes résidentiels sont plus courants dans le domaine social: l’exemple du groupe d’habitation externe du foyer scolaire Elgg illustre l’impact de l’architecture intérieure sur le bien-être des jeunes (p. 12). Des préceptes tels que l’autonomie et la participation peuvent aussi s’appliquer dans la conception de maisons de plus grandes, notamment pour des personnes ayant des besoins élevés d’accompagnement. À ce titre, le projet du nouveau bâtiment de la résidence Sonnegarte, à St. Urban, qui sort actuellement de terre, est impressionnant. Les souhaits et les attentes des résidentes et résidents en situation de polyhandicap ont été intégrés dans la planification (p. 25). Le parc de la Fondation Pigna, à Kloten, offre lui aussi une grande liberté individuelle malgré la gravité du handicap (p. 22). Quant à la résidence pour seniors Les Hirondelles, à Clarens, elle montre clairement comment des éléments architecturaux peuvent créer une atmosphère conviviale et des espaces de liberté malgré la complexité des missions (p. 15). Dans un entretien, l’architecte Bruno Marchand s’exprime sur les aspects essentiels d’une bonne architecture des EMS (p. 19). Pour pouvoir apporter un soutien aux personnes qui en ont besoin, dans leur environnement social, les seuls prestataires de services ne suffisent pas. La société dans son ensemble doit s’engager. En témoignent, les projets d’habitat inclusifs et organisés tels que le projet Westfeld à Bâle, mentionné plus haut, ou la coopérative d’habitation Huebergass à Berne (p. 28). Photo de couvertue: dans le parc de la Fondation Pigna, à Kloten, les personnes en situation de polyhandicap peuvent bouger librement. Photo: Pigna/Anita Affentranger

PUBLIREPORTAGE Die drehbare BANO Toilette passt sich den Bedürfnissen der Nutzer an 20 Jahre Erfahrung und Entwicklung von pflegegerechten Badezimmern aus Norwegen lteren Menschen die Würde erhalten und Pflege- fachpersonen entlasten - dies ist seit 20 Jahren die Vision der norwegichen Firma BANO: ein Badezimmer, das die Belastungen der Pflegefachpersonen verringert und die Lebensqualität der Nutzer verbessert. Da die pflegerische Arbeit in Pflegeeinrichtungen und Spitälern äußerst belastend ist, konzentrieren sich die Entwicklungen von BANO auf die Entlastung der Pflegefachpersonen und die funktionalen Bedürfnisse der Bewohner, indem die verbleibenden Kräfte älterer, bewegungseingeschränkter Menschen aktiviert und Ressourcen freigesetzt werden, die den Alltag für die Pflegefachpersonen erleichtern und den Bewohnern ein Stück Selbstständigkeit bewahren. Die Produktentwicklung für jedes einzelne Element in diesem Badezimmerkonzept basiert auf praxisorientierten Studien und dem aktiven Austauschmit Nutzern und Pflegefachpersonen. Die drehbare BANOToilette Die einzelnen Elemente im Badezimmerkonzept sind ideal aufeinander abgestimmt, was eine optimale Flächennutzung ermöglicht. Das Kernelelement dabei ist die drehbare Toilette, welche ganz neue Möglichkeiten eröffnet, pflegegerechte Badezimmer ganzheitlich zu gestalten. Die Toilette lässt sich leicht mit Hilfe eines im Stützhandgriff integrierten Auslösemechanismus um 290 grad drehen und hat eine elektrische Sitzhöhenverstellung von 200 mm. So muss sich der Nutzer nicht länger an die Toilette anpassen - das Badezimmer passt sich den Bewegungsabläufen des älteren Menschen an. Das BANO Hygienewaschbecken Das Hygienewaschbecken mit integriertem Stützhandgriff kann dank seiner asymmetrischen Formgebung und elektrischen Höhenverstellung von 200mmdirekt neben der drehbaren Toilette platziert werden. Dies reduziert die Bewegungsabläufe und bietet dem Nutzer Unterstützung beimAufrichten oder Positionswechsel. Zudem kann seitlich ein Schrank angebracht werden, ohne dass dieser die Pflegefachperson behindert. Die BANO Haltegriffe Abgerundet wird das Konzept durch einen Schrank, einem Duschsitz sowie farblich abgesetzte Halte- und Stützgriffe, die einen sicheren Gang durch das gesamte Bad ermöglichen und die Sturzgefahr verringern. Ä Die asymmetrische Formgebung des BANO Waschbeckens und die Nähe zur drehbaren Toilette ermöglichen eine flexible und pflegegerechte Nutzung, wie beispielsweise das Händewaschen von der Toilette aus im Anschluss an den Toilettengang. Entlastung der Pflegefachpersonen Das BANO-Badezimmer bietet dem Nutzer einfachere Bewegungsabläufe, eine erhöhte Selbstständigkeit, einen würdevolleren Alltag und eine erhöhte Sicherheit. Die Pflegefachpersonen profitieren ebenfalls von diesen Eigenschaften, denn die Anzahl schwerer Hebevorgänge wird verringert und rückenschonendere Arbeitspositio- nen können eingenommen werden, wodurch Krankheitsfehltagen vorgebeugt werden kann. Dies belegt auch die kürzlich vom deutschen Zentralverband Sanitär Heizung Klima veröffentlichte Pflegebadstudie, bei der die drehbare Toilette von 192 deutschen Pflegefachpersonen als eine der TOP 3 Innovationen auf demMarkt mit arbeitserleichterndem Effekt bewertet wurde. BANO Showroom in Bern Der vor kurzem durch Bano eröffnete Showroom in Bern bietet die Möglichkeit, die Toilette und das Badezimmerkonzept auszuprobieren und sich über die verschiedenen Möglichkeiten beraten zu lassen. BANO Switzerland GmbH kontakt@banogroup.ch +41 79 698 74 31 Industriestrasse 25 CH-3178 Bösingen

ARTISET 01 I 2023 5 Sommaire SONT CERTIFIÉES CRADLE TO CRADLE NOS ENCRES D’IMPRESSION Impressum. Rédaction: Elisabeth Seifert (esf), rédactrice en chef; Urs Tremp (ut); Claudia Weiss (cw); Anne-Marie Nicole (amn); France Santi (fsa); Jenny Nerlich (jne) • Correction: StephanDumartheray •Éditeur: ARTISET • 2ème année •Adresse: ARTISET, Zieglerstrasse53,3007Berne•Téléphone:0313853333,e-mail:info@artiset.ch,artiset.ch/ magazine • Annonces: Zürichsee Werbe AG, Fachmedien, Laubisrütistrasse 44, 8712Stäfa, téléphone: 044 928 56 53, e-mail:markus.haas@fachmedien.ch•Graphisme et impression: AST&FISCHER AG, Seftigenstrasse 310, 3084 Wabern, téléphone: 031 963 1111 • Abonnements: ARTISET, téléphone: 031385 33 33, e-mail: info@artiset.ch •Abonnement annuel CHF 125.– •Parutions: 8× allemand (4600 ex.), 4× français (1400 ex.) par année • Certification des tirages par la REMP 2022 (pour la version en allemand): 3205 ex. (dont 2989 ex. vendus), réimpression, en tout ou partie, selon accord avec la rédaction et indication complète de la source. À la une 6 Logements privés et communautaires de Westfeld, à Bâle 9 La colocation Alzheimer à Yverdon 12 Résidence Hagenbuch pour jeunes: l’impact d’une conception soignée 15 Résidence seniors à Clarens: plusieurs missions sous un même toit 19 L’architecte Bruno Marchand s’exprime sur les défis architecturaux des EMS 22 Un espace de liberté à Pigna Park, à Kloten 25 Sonnegarte, à St. Urban: quand résidentes et résidents participent à la planification 28 Mixité sociale à Huebergass Berne Les brèves 32 Un label pour attirer le personnel qualifié L’actu 34 Nicole Tille s’engage pour l’inclusion 37 Les représentants d’Artiset critiques à propos de l’initiative sur les soins 42 Prophylaxie des enfants handicapés 45 Partenariat dans les soins 49 Prévenir une dépendance précoce aux soins 51 L’activation en EMS Espace politique 54 Therese Zbinden, présidente de l’association Socialbern 28 34 54 Habitat communautaire Vues de l’appartement communautaire pour seniors de Westfeld, à Bâle

6 ARTISET 01 I 2023 Au milieu du monde Un petit logement privé au sein d’une grande communauté: tel est le concept innovant de l’habitat communautaire «logement avec services», situé dans le quartier de Westfeld, à Bâle. Les personnes âgées y vivent ensemble et disposent d’un service complet à un prix abordable. Jenny Nerlich À la une

ARTISET 01 I 2023 7 En sortant de chez soi, on arrive directement dans l’espace communautaire où vivent des personnes âgées de 75 ans et plus. Tel est le concept de «logement avec services», un grand logement communautaire situé dans l’ancien hôpital Felix Platter-Spital dans le quartier de Westfeld, à Bâle, géré par le Bürgerspital Basel (BSB) et conçu pour les personnes qui souhaitent vivre de manière autonome tout en appréciant la vie en communauté et les échanges. Le projet a pu voir le jour grâce à l’architecture de l’ancien hôpital, qui a été conservée lors de la rénovation. Les salles communes, la bibliothèque, la grande cuisine et les logements individuels sont situés de part et d’autre d’un long couloir. Ces logements privés, dotés d’une à deux pièces, sont certes petits mais disposent d’une salle de bains sans barrières, d’une kitchenette avec réfrigérateur et d’un vaste espace de rangement le long d’une large baie vitrée. Cet habitat communautaire allie ainsi logements privés et espaces de rencontre. Ces lieux de rencontre se trouvent non seulement au sein de l’habitat communautaire, mais aussi dans toute la zone de Westfeld, un quartier inclusif accueillant des populations diverses à différents stades de la vie. Westfeld offre un foyer aux familles et aux personnes seules, en situation de handicap, jeunes ou âgées. Les commerces, cafés et restaurants sont rapidement et facilement accessibles et invitent les habitantes et habitants de Westfeld à se détendre et échanger. Mais le BSB propose bien d’autres prestations aux résidentes et résidents de l’habitat communautaire. Le concept de «logement avec services» est un programme en soi: moyennant un loyer mensuel dès 2800 francs, les locataires bénéficient d’une gamme de services complets, qui inclut notamment les repas, le ménage dans les appartements individuels, une permanence téléphonique d’urgence et une personne présente sur place pendant la journée. Tout en laissant aux locataires leur espace de liberté, elle se tient à leur disposition pour les conseiller et les aider en cas de besoin. Des manifestations et des activités sont également comprises dans le loyer mensuel. Tout est mis en œuvre afin qu’il n’y ait ni solitude ni isolement dans ce grand logement communautaire. L’objectif du BSB est d’intégrer de manière durable les personnes âgées au sein de la communauté, jusqu’à la fin de leur vie si elles le souhaitent. L’association d’aide et de soins à domicile du BSB y contribue. Les personnes nécessitant beaucoup de soins peuvent donc aussi être prises en charge de manière adéquate. Les premières personnes ont déjà emménagé dans ce logement de type «cluster». Des appartements sont encore disponibles. Quiconque s’intéresse à l’habitat communautaire pour personnes âgées peut prendre rendez-vous sur le site Internet du BSB. Le logement communautaire de Westfeld, à Bâle, se compose d’espaces de rencontre collectifs, comme le séjour et la grande cuisine (à gauche, en bas à droite) et des lieux de vie privés (en haut à droite.) Photos: jne A découvrir ici, le grand appartement communautaire une fois le chantier terminé: À visionner ici, la vidéo réalisée durant les travaux de l’appartement en janvier 2022:

Einfach intern kommunizieren: Mit der Schweizer App für Mitarbeitende Involve AG | Bahnhofstr. 6c | 6210 Sursee 041 492 91 00 | www.involve.ch Die Mitarbeitenden-App der Firma Involve aus Sursee begeistert bereits viele Alters- und Pflegeheime in der Schweiz. Dank einer unmittelbarenund transparentenKommunikationunddurchdas aktive Involvieren der Mitarbeitenden erzielen die Organisationen mit der App echte Mehrwerte in der Motivation und Bindung der Mitarbeitenden. Wissen und Verstehen was läuft und bei ausgewählten Themen auch selbst etwas beitragen dürfen: Eine aktive und involvierende Kommunikation ist der Schlüssel für eine hohe Identifikation der Mitarbeitenden mit ihrem Arbeitgeber. Das Unternehmen profitiert von einem hohen Engagement der Mitarbeitenden und einer tieferen Fluktuation. Es resultieren relevante Kosteneinsparungen sowie eine vorteilhafte Position im anspruchsvollen Arbeitsmarkt der Gesundheitsbranche. Die Schweizer Mitarbeitenden-App von Involve ist in Alters- und Pflegezentren der zentrale Ort für die interne Kommunikation. Die App beinhaltet Funk t ionen wie News-Kanäle, Chats, Umfragen, Formulare, Dokumentablage, ein Kontaktverzeichnis und eine Übersetzungsfunktion. Ausserdem ist für die Teilnahme an der internen Kommunikat ion weder eine Mail-Adresse noch eine Handy-Nummer notwendig. Die Mitarbeitenden-App besticht insbesondere durch ihre hohe Benutzerfreundlichkeit. App überzeugt Alterszentrum Eiche Seit 2021 gehört auch das Alterszentrum Eiche aus Dagmersellen zu den glücklichen Kunden. Christoph Schmid konnte nach der Einführung einen positiven Effekt in seinem Betrieb feststellen: «Unsere Mitarbeitenden waren von Anfang an von der App begeistert. Die interne Kommunikation hat sich seither massgeblich verbesser t und das Wir-Gefühl im Betrieb wurde nachhaltig gestärkt.» Die Mitarbeitenden des Alterszentrums Eiche haben nun jederzeit Zugriff auf die Informationen rund um ihren Arbeitgeber und können beispielsweise auch Einsatzpläne schnell und ortsunabhängig aufrufen. Das Heim nut zt die Mitarbeitenden-App mit den Funktionen News, Chat, Umfragen, Dokumentablage und Formulare. Einfache und unkomplizierte Einführung Christoph Schmid führt weiter aus: «Die Involve ist ein Schweizer Unternehmen, was uns bei der Suche nach einem passenden Partner wichtig war. Die Zusammenarbeit läuft sehr unkompliziert. Ich kann jederzeit anrufen und mir wird bei Fragen direkt weitergeholfen.» Die Implementierung der Mitarbeitenden-App von Involve ist schnell realisiert. Die Involve legt dabei viel Wert auf eine wertschätzende und enge Zusammenarbeit: Die Unternehmen werden vom ersten Kontakt bis zur erfolgreichen Implementierung von einer Ansprechperson begleitet und unterstützt. Christoph Schmid, Zentrumsleiter Alterszentrum Eiche, über die App für Mitarbeitende von Involve: «Da unsere Mitarbeitenden zu verschiedenen Tageszeiten und auch am Wochenende arbeiten, waren wir auf der Suche nach einer geeigneten Kommunikationslösung. Mit Involve können wir unsere Mitarbeitenden zeitgleich und adressatengerecht erreichen. Die Schweizer App ist sehr einfach und übersichtlich in der Handhabung.» 100 % Schweizer Software auf Schweizer Servern Zum Video-Statement von Christoph Schmid: Scannen Sie den QRCode oder besuchen Sie involve.ch/heime Die Mitarbeitenden-App von Involve funktioniert auf Smartphones, Tablets und PC gleichermassen. Sie besticht insbesondere durch hohe Benutzerfreundlichkeit. Lernen Sie jetzt unverbindlich die Involve Mitarbeitenden-App kennen: involve.ch/app-testen

ARTISET 01 I 2023 9 À la une Les colocations Alzheimer sont encore rares en Suisse. Structures de niche, elles constituent néanmoins un habitat alternatif indispensable dans l’offre d’hébergement spécialisé destiné aux personnes atteintes de troubles cognitifs Anne-Marie Nicole Comme à la maison La colocation Rubis est située dans le cadre verdoyant de Bellevue, une colline qui surplombe la ville d’Yverdon, offrant une vue imprenable sur le lac de Neuchâtel. Elle occupe un appartement de plain-pied, dans le prolongement de la résidence Agate, un immeuble aux courbes architecturales atypiques, qui accueille une quarantaine de locataires dans des logements adaptés avec accompagnement (LADA), selon la nouvelle terminologie vaudoise. Avec la résidence Agate, l’EMS Mont-Riant, le centre d’accueil temporaire Les Sources et l’organisation de soins à domicile, la colocation Rubis fait partie du pôle gériatrique que la Fondation Saphir a développé à Bellevue, y installant d’ailleurs aussi son centre administratif. L’appartement qui abrite la colocation Rubis, sans barrières architecturales et sécurisé, est lui aussi tout en rondeur, en forme de croissant avec, en son centre, une cuisine ouverte sur une grande pièce à vivre, donnant accès à la terrasse et au jardin dès les beaux jours. De part et d’autre du séjour, deux larges couloirs desservent chacun trois chambres individuelles et une salle de bain. Dans l’espace commun, les étagères de bois contrastent avec le gris du carrelage et apportent une ambiance chaleureuse. Les tons colorés des fauteuils de l’espace salon ajoutent une touche joyeuse. Six personnes cohabitent ici, partageant les activités du quotidien avec le personnel accompagnant. Jusqu’à leur arrivée dans la colocation, toutes vivaient seules à domicile. Elles sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence à un stade qui leur permet toutefois d’interagir encore avec les autres colocataires et d’effectuer certains actes de la vie quotidienne de manière autonome. Soutenir les capacités et les ressources La colocation Rubis a ouvert ses portes en 2016, deux ans après la première colocation Topaze, à Orbe, qui accueille elle aussi des personnes atteintes de troubles cognitifs. Les deux structures à vocation sociale sont placées sous la responsabilité de la Fondation Saphir et issues d’un projet pilote conduit en collaboration avec l’association Alzheimer Suisse et le canton de Vaud. Comme le relève Valérie Hugentobler, professeure à la Haute école de travail social de Lausanne, dans le Age Report IV*, «les colocations visent en particulier à encourager les personnes à utiliser le plus longtemps possible leurs capacités et ressources afin de mener une vie au plus proche possible de la vie qu’elles avaient auparavant, à réduire l’isolement social et relationnel grâce à un rythme proche de la vie familiale». Dans l’appartement communautaire de Bellevue, les journées s’organisent spontanément, «comme à la maison». Il arrive que des activités qui avaient été programmées soient reportées ou annulées, en raison de la météo ou de l’humeur du jour. Il n’y a pas d’horaires fixes non plus, hormis quelques repères pour structurer la journée. Ainsi, la première accompagnante arrive le matin à 7 heures et prend le relais de la personne qui a assuré la veille de nuit,

10 ARTISET 01 I 2023 généralement un étudiant dans le domaine des soins ou de la santé. L’accompagnante commence à préparer le petit déjeuner en compagnie des colocataires qui sont déjà levés. À 9 heures, elle est rejointe par une collègue pour la journée. «C’est plus facile à deux: cela permet de faire des activités distinctes selon les envies des colocataires», assure Marie Fournier, responsable des deux colocations Rubis et Topaze. Une organisation agile Ensemble, les deux auxiliaires de vie passent la journée avec les colocataires et se répartissent naturellement les tâches, sans planification préalable du travail. «Nous sommes une organisation agile par excellence! affirme Marie Fournier. Le matin, nous ne savons jamais comment se déroulera la journée!» Il n’y a pas non plus de prestataires externes à la colocation, excepté pour les repas du week-end, qui sont livrés par l’EMS voisin. Les accompagnantes s’occupent des différentes tâches domestiques propres à un ménage privé, sollicitant l’aide des colocataires, sans toutefois les y forcer. Personne n’est obligé à rien. L’équipe emprunte à la méthode Montessori la vision positive et les principes de liberté de choix et de maintien de l’autonomie. Ici, il n’y a pas d’objectifs thérapeutiques, mais des jeux pour travailler la mémoire émotionnelle, stimuler les capacités cognitives et préserver la mobilité. Il n’y a pas non plus d’interventions des services de soins à domicile. Infirmière diplômée, au bénéfice d’une longue expérience, la responsable Marie Fournier prend en charge les éventuels soins à prodiguer. Une autre infirmière et une assistante en soins et santé communautaire, toutes deux membres de l’équipe, peuvent aussi dispenser les soins nécessaires. La première auxiliaire de vie quitte l’appartement aux alentours de 18 heures, la seconde à 21 heures, à l’arrivée du veilleur de nuit. Modèle encore rare en Suisse Les colocations Alzheimer sont encore rares en Suisse. Le directeur général de la Fondation Saphir, Luis Villa, estime pourtant qu’elles ont toute leur place dans l’offre d’hébergement à disposition des personnes âgées en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, reconnaissant qu’il s’agit d’un «modèle de niche». Les colocations telles que Topaze à Orbe ou Rubis à Yverdon apparaissent comme un modèle d’habitat idéal pour le grand âge à plus d’un titre. Il trouve cependant ses limites à la fois dans l’évolution de la maladie des colocataires et dans les coûts. «Si les capacités cognitives ou les troubles du comportement d’une personne menacent la cohésion du groupe, nous devons alors lui trouver une autre structure plus adaptée», explique Marie Fournier. La remplacer est ensuite question de «timing»: la «bonne» personne au bon moment, c’est-à-dire la personne qui ne peut plus vivre seule chez elle, mais encore assez autonome pour intégrer la communauté. Autre limite notable: le coût. Selon le directeur général, il faut compter entre 1000 et 1500 francs de plus par mois qu’en EMS. Cela s’explique en partie par les exigences cantonales en termes de niveau de formation du personnel. En effet, il ne suffit plus aux accompagnantes d’être des auxiliaires de santé. Elles doivent désormais être au bénéfice d’un titre CFC ou HES. En tous les cas, Luis Villa ne veut pas Les journées s’organisent spontanément, «comme à la maison», en fonction de la météo ou de l’humeur du jour. Photo: amn

ARTISET 01 I 2023 11 Enfin plus disponible pour vos tâches essentielles! Nouveau service gratuit pour les institutions dans le domaine des soins: commande, livraison et facturation faciles des produits LiMA, médicaments et consommables médicaux. Prenez rendez-vous pour votre consultation personnelle: zurrose.ch/lima Des questions? Nous nous tenons à votre disposition. T 0800 200 315, institutionen@zurrose.ch Vous passez commande de manière pratique et rapide auprès d’un seul fournisseur en collaboration avec Webstar Nous assurons une livraison sur mesure dans le service ou dans la chambre du résident Nous nous chargeons pour vous de la facturation auprès des caissesmaladie Notre service soulage considérablement votre personnel Annonce baisser les bras: «Nous croyons aux colocations. C’est un modèle qui a de l’avenir si nous arrivons à diminuer les coûts, notamment en développant des synergies avec les autres structures de la fondation.» Avec six EMS, deux établissements psychosociaux médicalisés, six centres d’accueil temporaire, une organisation de soins à domicile et de nombreux appartements protégés et adaptés, la Fondation Saphir a de quoi trouver des complémentarités! Sans compter ses nombreux projets de développement, construction et reconstruction dans la région du Jura-Nord vaudois. Les colocataires de Rubis sont bien loin de ces préoccupations. En ce milieu d’après-midi, tandis qu’Albert et Françoise se reposent dans leur chambre respective, Hélène a terminé son jeu de patience sur son ordinateur et rejoint le séjour où l’attend un puzzle inachevé. Derrière elle, installées à leur table de jeu habituelle, Sylviane et Anne-Lise jouent aux cartes. Elles adorent ça et ne s’en lassent pas. «On est très bien ici. Je ne partirais pour rien au monde», déclare Anne-Lise qui vit ici depuis l’ouverture de la colocation en 2016. Albert, qui s’est levé entretemps et qui est arrivé il y a quelques mois seulement, renchérit: «Tout le monde est gentil, on s’occupe bien de nous. «Age Report IV. Habitat et vieillissement. Réalités et enjeux de la diversité», François Höpflinger, Valérie Hugentobler, Dario Spini (dir.), 2019 À la une

12 ARTISET 01 I 2023 Bien pensé, de la cave au grenier À la une L’escalier de chêne relie les étages de la cave au grenier. Il est suffisamment large pour que le groupe de jeunes n’aient pas à jouer des coudes pour l’emprunter. Photo: foyer scolaire Elgg/Philip Böni

ARTISET 01 I 2023 13 Le directeur Werner Kuster en est bien conscient: peu de jeunes vivent de leur plein gré en institution. Le groupe d’habitation externe Hagenbuch, du foyer scolaire Elgg, a toutefois été conçu jusque dans les moindres détails, de la forme aux couleurs en passant par les matériaux, afin que les jeunes s’y sentent bien et trouvent leur place. Claudia Weiss Tout a commencé par un modèle de maison, une idée de ce qui pourrait idéalement ressembler une maison d’habitation pour jeunes. L’architecte Ruedi Zehnder explique avec enthousiasme le croquis du modèle. Puis, se tenant devant le groupe d’habitation externe Hagenbuch du foyer scolaire Elgg, dans le canton de Zurich, il pointe du doigt la maison située à côté d’un immense noyer. «Lorsque nous avons construit ce bâtiment, nous nous sommes rapprochés du modèle idéal autant que la configuration du terrain et les normes de construction nous l’ont permis», explique-t-il. Il a délibérément intégré le noyer dans le programme architectural pour en faire un arbre de vie autour duquel le bâtiment forme un angle, avec deux cours intérieures pour les grillades, la détente et les parties de ping-pong. Ruedi Zehnder présente la maison construite en bois, dont l’isolation est faite de flocons de cellulose et de laine de mouton, et dotée d’un toit à deux pans comme exigé par la commune. Tous les matériaux ont été choisis avec soin, dans le respect de la nature, afin de créer une atmosphère conviviale et harmonieuse. C’était essentiel, explique Werner Kuster, le directeur général du foyer scolaire Elgg: «Nombre de jeunes sont très sensibles, et souffrent parfois d’allergies.» Par ailleurs, la couleur des façades joue avec le vert du foyer scolaire Elgg et s’accorde à la campagne alentour. Les échelons de bois qui garnissent les murs ajoutent un aspect ludique, comme pour rappeler que des jeunes vivent ici. L’ensemble a été minutieusement pensé. De la pointe du toit jusqu’au sous-sol, Ruedi Zehnder et Werner Kuster ont réfléchi aux couleurs, aux formes et aux matériaux à utiliser pour apporter de la légèreté et offrir à dix jeunes au maximum une cohabitation agréable et détendue. L’ancienne maison du groupe d’habitation a bien aidé à la planification, explique Werner Kuster. Il s’agissait d’une ancienne ferme du 18e siècle. Les escaliers étaient étroits, les plafonds bas, les chambres doubles trop petites et les salles de bains trop peu nombreuses, ce qui créait beaucoup de tensions. Durant ses quinze années à la tête de l’école, Werner Kuster a pu constater ce qui ne convenait pas du tout aux jeunes: les chambres doubles, par exemple, sont dépassées, en particulier pour les jeunes qui ne sont pas de la même fratrie. «Des chambres individuelles et suffisamment de salles de bains permettent en outre de prévenir les agressions.» «Le chêne relie à la terre» Ruedi Zehnder acquiesce: «Ce mauvais exemple nous a permis d’avancer», affirme-t-il. Il est ainsi vite apparu comme une évidence qu’un escalier trop étroit était source de stress dès l’entrée, car les jeunes jouaient des coudes pour passer en premier. Dès lors, un large et solide escalier en chêne constitue le cœur de la maison de Hagenbuch, s’étirant, tel un tronc d’arbre, de la cave au deuxième étage. «Le chêne relie à la terre», explique l’architecte. Un apprenti dessinateur a conçu le joli motif en forme de branche qui laisse passer la lumière sur la paroi latérale en bois. Lorsque plusieurs jeunes montent et descendent les escaliers en courant, cela fait certes beaucoup de bruit, reconnaît Georg Häusler, éducateur social. «Cependant, je constate que les relations entre les jeunes sont nettement plus détendues grâce à l’organisation généreuse de l’espace.» L’entrée de la maison s’ouvre sur un grand vestiaire, offrant suffisamment de place. Une cuisine spacieuse et une salle à manger bénéficient de larges baies vitrées. Les

14 ARTISET 01 I 2023 «Depuis la nouvelle approche pédagogique et l’emménagement dans la nouvelle maison, les jeunes sont bien plus sereins.» Werner Kuster À la une tables en frêne clair peuvent être réunies pour n’en former qu’une lors des soirées pizza, ou séparées afin de créer de petits coins repas. «C’est aussi grâce à cette flexibilité que l’atmosphère est plus détendue», estime Georg Häusler. Des couleurs pour se sentir bien Dans toute la maison, les teintes ont été choisies avec l’aide d’une conseillère en couleurs: recouvert d’un mélange de bois et de ciment facile d’entretien et agréablement chaud, le sol est gris clair, «une couleur pour faire place nette et garder les pieds sur terre». Quant à la nuance de blanc choisie pour les murs, elle calme. L’orange, le jaune, le bleu et le vert pastels des chaises de la salle de réunion favorisent la communication. Enfin, les canapés vert menthe du salon du rez-de-chaussée et du séjour sous le toit ont un effet apaisant. Ils ont été choisis avec des accoudoirs suffisamment bas pour qu’on puisse s’y asseoir: «D’après mon expérience, c’est là que les jeunes préfèrent s’asseoir», sourit Werner Kuster. Les salles de bains, une pour deux jeunes, sont recouvertes d’un carrelage bleu turquoise rafraîchissant: «Une couleur agréable pour le corps», a expliqué la conseillère à l’équipe de construction. Werner Kuster estime que c’est important: «Les jeunes sont souvent en pleine puberté et ont du mal à accepter les changements de leur corps. Ils apprécient cette couleur agréable.» Certaines décisions ont été prises sur la base de réflexions pratiques bien concrètes: le technicien interne, qui travaille ici depuis trente ans, en avait assez de réparer sans cesse des portes d’armoire endommagées pour avoir été trop souvent claquées par colère ou frustration. Il a donc développé l’idée d’une armoire en bois clair sans porte mais avec un rail pour y glisser un rideau d’une couleur adaptée à l’humeur des jeunes: des tissus bleus ou verts à l’effet apaisant en cas d’agressivité, et des tissus orange ou rouges, égayant la pièce, lors d’états dépressifs. Les jeunes peuvent aussi utiliser l’armoire comme cloison de séparation. À cet effet, le dos du meuble est pourvu d’un tableau d’affichage pour photos et posters, un besoin que les jeunes ont souvent exprimé. Les autres meubles proviennent en partie de brocantes et peuvent être peints par les jeunes au gré de leur créativité. Chaque chambre a au moins une grande fenêtre et toutes offrent une vue sur la nature, même les deux chambres mansardées du dernier étage. Billard et coin bricolage Les jeunes doivent se sentir à l’aise dans leur chambre, mais pas s’y enfermer toute la journée. «Il faut aussi les encourager à participer à des activités communes», explique Werner Kuster. Chaque étage dispose donc de différentes niches, qui invitent à effectuer diverses activités: l’une est aménagée en coin lecture, une autre fait office de coin bricolage et peinture, une autre encore est équipée d’une table de billard. L’espace collectif situé sous le toit attire les jeunes qui souhaitent discuter en aparté ou jouer à un jeu à l’écart des autres. Toutes ces réflexions ont atteint leur but, se réjouit Werner Kuster. «Depuis l’introduction de la nouvelle approche pédagogique fondée sur le modèle orienté vers les compétences et l’emménagement dans la nouvelle maison il y a cinq ans et demi, les jeunes sont bien plus sereins.» Georg Häusler, qui travaille depuis vingt ans comme éducateur social au foyer scolaire Elgg et qui a connu l’ancienne construction, le confirme: «La bonne atmosphère générale est très agréable.» Ce nouveau bâtiment bien pensé, dont la planification et l’autorisation ont pris trois ans et demi, est aussi à la pointe dans le domaine énergétique: la maison Minergie est dotée de panneaux solaires, d’un chauffage par sonde géothermique et d’une pompe à chaleur. La ventilation fournit tout au long de l’année un air frais agréable préchauffé ou refroidi. Pour que les lumières des espaces communs ne consomment pas inutilement de l’énergie, elles sont équipées de détecteurs de mouvement. À la cave, une autre salle commune a été imaginée par un groupe de jeunes. Ils ont choisi d’aménager ensemble, sous supervision, un local de danse pourvu de grands miroirs muraux servant aussi de salle de fête. L’utilisation de matériaux de qualité et la mise en œuvre du standard Minergie n’ont certes pas été bon marché: le nouveau bâtiment a coûté 3,2 millions de francs. Près de la moitié a pu être couverte rapidement grâce à une collecte de fonds, explique le directeur général. La Confédération et le canton ont versé chacun une subvention, et les prestations de l’association «Verein Schulheim Elgg» ont couvert une partie des coûts. Dans cette maison, affirme Werner Kuster, il n’est pas question de penser que «c’est déjà bien assez pour ces jeunes». Au contraire, les enfants et les jeunes qui ne peuvent pas vivre au sein de leur famille doivent pouvoir bénéficier d’un environnement particulièrement favorable: «Un chez-soi accueillant, lumineux et convivial, pour envisager de bonnes perspectives d’avenir malgré un départ dans la vie peu favorable.»

ARTISET 01 I 2023 15 À la une La résidence Les Hirondelles a trois particularités: elle se dresse sur les structures existantes d’une ancienne usine d’argenterie, elle réunit sous le même toit plusieurs missions différentes et… elle abrite une centaine de nids de la plus importante colonie d’hirondelles de la région! Anne-Marie Nicole Diverses missions sous un même toit Les Hirondelles. Voilà un nom qui n’est pas usurpé! La résidence qui porte ce nom se situe à Clarens, dans le canton de Vaud, au bord du lac Léman, à quelques encâblures de Montreux. Elle a été construite sur l’ancienne usine Béard, un fleuron industriel de la région qui a fabriqué, depuis le début du 20e siècle et jusqu’à sa fermeture en 2007, de l’argenterie et d’autres articles en acier inoxydable pour l’hôtellerie. En 2013, la Fondation Claire Magnin est sollicitée pour reprendre le bâtiment et en faire un centre de prestations à la personne âgée. Or, cette bâtisse a toujours abrité sous son avant-toit la plus importante colonie d’hirondelles de la région! En accord avec les défenseurs de la faune et de la flore, la fondation maître de l’ouvrage a retardé et adapté le planning des travaux de transformation de l’ancienne usine pour tenir compte de la période de nidification des hirondelles entre mars et septembre. Elle s’est également engagée à reconstruire une centaine de nids sur la nouvelle structure, s’y reprenant même à deux fois en raison d’infiltrations d’eau qui rendaient les nichoirs peu accueillants! Depuis l’ouverture de la résidence, en 2019, les hirondelles et les personnes âgées vivent en bonne harmonie. Mais la transformation du bâtiment et son changement d’affectation n’ont pas été une mince affaire. «Le fonctionnement d’une usine et celui d’un établissement médico-social sont aux antipodes!», fait remarquer Stéphane Cottet, l’architecte du lieu, responsable du bureau Dias-Cottet Architectes et devenu, depuis, membre du conseil de la Fondation Claire Magnin. S’il reconnaît qu’il est plus simple et moins onéreux de faire table rase et de construire à neuf, il a néanmoins relevé le défi avec «respect et humilité», faisant dialoguer l’histoire et la modernité. «Nous ne pouvions pas faire n’importe quoi. Nous devions tenir compte de l’histoire et respecter l’architecture industrielle de l’usine sans dénaturer sa structure», souligne-t-il. Quatre missions sous un même toit La réhabilitation du bâtiment industriel a permis de concrétiser l’ambition de la Fondation Claire Magnin: réunir sous un même toit plusieurs missions différentes répondant à l’évolution des besoins des bénéficiaires, soit plus d’une centaine de personnes âgées au total. De fait, le bâtiment d’origine, construit sur trois niveaux en forme de U, a été conservé et surmonté de deux étages aux allures contemporaines qui ferment le U et créent ainsi une cour intérieure à ciel ouvert. Les façades de la surélévation ont été recouvertes de panneaux de métal léger, un clin d’œil à l’activité passée du site.

PLUS DE TEMPS POUR LES SOINS GRÂCE À LA SOLUTION SMARTLIBERTY SmartLiberty permet de réunir dans un système modulaire et simple, l’appel résident mobile, la gestion de l’errance, l’appel d’assistance, la communication unifiée et bien plus encore. Envie de découvrir notre solution déjà installée sur site ? Venez nous rendre visite lors d’un after-work dans votre région. 1846-2023 Wagen wir es – öffnen wir die Heime – Pflegen und Begleiten wir im Dorf. Wagen wir das persönliche Budget – wagen wir nach mehr als 177 Jahren Objektfinanzierung endlich Assistenz – Subjekt finanziert! Das Lukashaus hat 26 eigenständige Wohnungen in Grabs und Gams – 24 Stunden – 365 Tage – egal welche Pflegestufe. Lukashaus Stiftung | 9472 Grabs Tel. 081 750 31 81 | info@lukashaus.ch www.175jahre.lukashaus.ch Wir begleiten weiter und fördern Talente! oha-werbeagentur.ch

ARTISET 01 I 2023 17 La réaffectation de l’ouvrage a nécessité une collaboration intense avec les ingénieurs tant il a fallu étudier différents systèmes de construction pour ne pas fragiliser l’ossature existante, peu statique. L’entrée principale de la résidence Les Hirondelles débouche sur un vaste hall, largement éclairé en son centre par une verrière végétalisée. L’avant est occupé par un desk d’accueil et une cafétéria. Dans le fond, deux salles à manger sont réservées aux résidentes et résidents et un restaurant ouvert aux proches. L’espace, qui s’apparente à une place du village, est bordé de plusieurs locaux qui auraient dû abriter des boutiques, des cabinets médicaux et d’autres services. Mais le Covid est passé par là, coupant les élans créatifs. De l’idée de départ subsistent un cabinet médical et un salon de coiffure, les autres espaces étant actuellement affectés à la direction des soins, au bureau des référentes hôtelières et aux services de l’animation. Le projet initial n’est pas abandonné pour autant, il a simplement été différé. Des matières et des couleurs Comme dans d’autres structures médico-sociales, un soin particulier a été apporté aux matériaux, pour marquer la gradation entre les espaces privés, semi-privés et publics. «J’ai visité de nombreux établissements pour comprendre le choix des matériaux et trouver des solutions architecturales pour atténuer la dimension hospitalière», raconte Stéphane Cottet. Dans ce bâtiment où l’on perd facilement le sens de l’orientation, des repères de couleur ont été utilisés: le bleu pour le nord rappelant l’hiver, le jaune pour le sud et l’été, le vert pour l’est et le printemps et le violet pour l’ouest et l’automne. Les tissus des différents salons dispersés aux quatre coins des étages ont été expressément choisis dans les coloris correspondants. Il arrive cependant parfois qu’un fauteuil vert se retrouve mystérieusement à côté d’un canapé violet ou qu’une chaise jaune illumine le bleu de l’hiver… Comme quoi, les concepts sont faits pour vivre et évoluer! Les unités d’accompagnement et de soins sont réparties dans les étages, regroupées par mission. Ainsi, l’unité gériatrique de vingt-quatre lits occupe les anciens ateliers du premier étage et jouit d’une cour intérieure. Conçues sur l’ancienne structure, suivant la géométrie des piliers d’origine, les chambres sont ici plus spacieuses que ce qu’autorisent les directives cantonales pour les nouvelles constructions. «Nous avons pensé que les résidentes et résidents de gériatrie profiteraient davantage de ces espaces privés plus généreux», explique Monique Cachin, adjointe de direction de la Fondation Claire Magnin et responsable du domaine socio-éducatif. Le deuxième étage compte vingtdeux places de psychiatrie vieillissante pour des personnes de 60 ans et plus, bénéficiant d’activités structurantes et individualisées. L’unité psycho-gériatrique accueille trente-cinq personnes au troisième étage lequel dispose d’un espace de déambulation continu. Enfin, le dernier étage, un attique en retrait avec des prolongements extérieurs, propose une dizaine de places de court séjour et d’accueil temporaire de jour. Inspirées de l’approche Montessori, les activités du quotidien s’y déroulent «comme à la maison». «Nous cultivons ici la même philosophie d’accompagnement que dans toutes les autres structures de la fondation: donner de la vie et du sens», explique Anne Parelle, directrice générale de la Fondation Claire Magnin. Simplement, cette philosophie est déclinée différemment selon les missions.» L’entrée principale de la résidence Les Hirondelles débouche sur un vaste hall, largement éclairé en son centre par une verrière végétalisée. Photo: amn À la une

18 ARTISET 01 I 2023 Chaque collaboratrice et collaborateur est donc appelé à contribuer à la qualité de vie des personnes âgées. «Dans toutes les unités, le concept d’accompagnement respecte les choix et les envies des résidentes et résidents durant la journée», ajoute Monique Cachin. Ainsi, les personnes accompagnées peuvent par exemple librement décider si elles souhaitent prendre leur repas dans leur chambre, dans la salle à manger d’étage ou au rez-de-chaussée. «Le bâtiment offre cette flexibilité, même si cela complique le travail des équipes soignantes, qui ont des temps de déplacement plus longs pour accéder aux différents lieux en fonction des choix de chacune et chacun des résidents», reconnaît l’adjointe de direction. Les limites de l’intégration Si les différentes missions sont bien réunies sous un même toit, elles ne sont pas pour autant complètement décloisonnées. Une intégration totale ne serait d’ailleurs pas réaliste, vu les spécificités et besoins particuliers des différentes populations de personnes âgées accueillies, défend Anne Parelle. «De plus, les approches en court séjour ou en long séjour ne sont pas les mêmes et n’impliquent pas les mêmes partenaires du réseau.» Outre leur organisation par étage, les missions sont assurées par des équipes dédiées, disposant de compétences spécifiques, notamment en psycho-gériatrie et en psychiatrie. «L’intérêt du centre de prestations est surtout de nous permettre d’accompagner la personne âgée tout au long de son parcours de vie, sans rupture et selon ses besoins.» Un autre avantage du centre de prestations réside dans son pouvoir d’attractivité auprès du personnel qualifié. «La diversité des missions favorise le développement professionnel sur le long terme, avec des possibilités de passer d’une mission à l’autre», argumente Anne Parelle. «Nous avons également introduit des formations continues communes, par exemple en psychiatrie de l’âge avancé, ou des supervisions thématiques transversales.» Depuis l’ouverture de la résidence, il y a quatre ans, les équipes professionnelles ont également appris à se connaître, à se respecter, à comprendre leurs activités réciproques et à se soutenir. Plus qu’ailleurs peut-être, et au-delà de leurs compétences métier, les professionnel·les doivent ici faire preuve d’ouverture, de curiosité, de flexibilité et de polyvalence. Ces premières années d’exploitation ont permis au personnel et aux bénéficiaires d’apprivoiser les lieux, de s’adapter, d’ajuster l’organisation, de trouver un rythme. «Maintenant que la crise sanitaire est maîtrisée, nous allons pouvoir réinvestir les espaces communs et développer les contacts avec le voisinage», se réjouit Anne Parelle. «Nous cultivons ici la même philosophie d’accompagnement que dans toutes les autres structures de la fondation: donner de la vie et du sens.» Anne Parelle, directrice générale de la Fondation Claire Magnin Le bâtiment d’origine a été conservé et surmonté de deux étages, créant une cour intérieure à ciel ouvert. Photo: Fondation Claire Magnin À la une

ARTISET 01 I 2023 19 À la une Entre dimension sociale et médicale, espace privé et collectif, lieu de vie et de travail, les architectes ont fort à faire pour concilier les intérêts souvent contradictoires des établissements médico-sociaux. De plus, ces structures tendent aujourd’hui à s’agrandir et se diversifier. Quelle que soit leur évolution, nous devons conserver une approche humaniste, insiste Bruno Marchand, architecte-urbaniste et professeur honoraire à l’EPFL. Popos recueillis par Anne-Marie Nicole «Tout est dans le détail» Monsieur Marchand, de votre point de vue d’architecte, qu’est-ce qui fait généralement un bon chez-soi? La réponse à cette question n’est pas évidente tant l’idée du «chez-soi» évoque des représentations différentes, qui ne sont pas spécifiquement liées à la maison. «Rentrer chez soi» peut évoquer un pays, un quartier, une culture, une identité, des racines. En architecture, le chez-soi renvoie à deux notions: le confort et l’appartenance. Ce qui fait un bon chez-soi, ce sont des espaces dans lesquels vous ressentez du confort et auxquels vous vous identifiez dans la vie de tous les jours. Selon le type de projets, l’architecte ne sait pas à qui il s’adresse. Si je construis un immeuble avec des appartements, je ne sais pas qui va y habiter. Je tends donc à reporter sur le logement mes propres valeurs, en espérant qu’elles seront partagées par les personnes qui vont y vivre. Et qu’en est-il de l’habitat institutionnel? C’est plus compliqué. Ici, les gens cohabitent dans un lieu qu’ils n’ont pas choisi. Je pense que si les espaces collectifs sont bien sûr importants, c’est la chambre qui est pourtant le principal lieu de vie, surtout avec les besoins en soins qui augmentent. Les personnes y viennent avec des meubles et des objets. La chambre devient le lieu de la mémoire. Pour avoir visité beaucoup de chambres d’EMS, il me semble qu’elles sont aussi le miroir de la fin de vie: certaines personnes apportent le strict minimum, d’autres beaucoup de souvenirs. Comment l’architecture peut-elle contribuer à la qualité de vie des résidentes et résidents? Les EMS sont des ouvrages très particuliers, avec une forte dimension humaniste. Les personnes qui y résident ont des ressentis liés à leur environnement de vie. Celui-ci doit être

20 ARTISET 01 I 2023 chaleureux, rassurant et accessible, et leur apporter un confort à la fois psychologique et matériel. Les personnes sont sensibles aux couleurs, aux ambiances et aux changements de lumière, aussi. Les architectes sont généralement attentifs à ces questions-là. Dans ce sens, j’ai rarement vu un EMS mal conçu. Certains sont plus intéressants que d’autres, certes, mais il y a toujours un grand soin apporté aux atmosphères qui donnent le sentiment d’être dans une maison et non dans un hôpital. Tout est dans le détail. Pouvez-vous développer? Ce sont les détails qui font que l’on passe d’un contexte médicalisé à une ambiance domestique. Ces détails sont plus ou moins conséquents. Parmi ceux qui donnent l’impression de vivre à la maison, il y a le vestibule, ce seuil symbolique entre l’espace public et le domaine privé, en l’occurrence entre le couloir et la chambre. L’épaisseur de la porte a aussi son importance: comme dans un appartement, elle doit conférer un sentiment de sécurité lorsqu’on est à l’intérieur. Les prolongements extérieurs, tels que les balcons ou les loggias, invitent à sortir de chez soi. Dans les couloirs et les espaces communs, les plinthes peuvent être fixées plus haut pour servir de mains courantes plus discrètes que ces barres d’appui qui courent généralement le long des parois et qui symbolisent trop fortement la perte de mobilité. Enfin, dans la chambre, une petite tablette installée devant la fenêtre permet d’y déposer un pot de fleurs ou des bibelots. Malheureusement, pour des raisons économiques, on risque de renoncer à ces détails. Ces détails suffisent-ils à faire de l’EMS une maison? Disons qu’ils permettent d’adoucir la transition entre le domicile et l’institution et qu’ils tendent à restituer l’atmosphère d’un domicile privé. Dans l’idéal, il faudrait pouvoir penser l’EMS comme une grande maison de maître, avec les espaces de vie au rez-de-chaussée et les chambres au premier étage. Or aujourd’hui, la taille des établissements ne le permet plus. Avec l’espérance de vie qui s’allonge et le nombre croissant de personnes âgées qui ont besoin de soutien, les structures tendent à s’agrandir. Avec 80 chambres, par exemple, l’approche architecturale est totalement différente. Il est difficile de construire moins de trois ou quatre étages. La verticalité change alors la physionomie des locaux. Pour accéder aux étages supérieurs, il faut prendre l’ascenseur, comme dans un immeuble. Ce changement n’est pas anodin. Les programmes architecturaux d’EMS font face à divers antagonismes: dimension sociale et médicale, espace privé et collectif, lieu de vie et de travail… Comment répondre à ces différents besoins? De façon générale, l’architecture s’oriente de plus en plus vers une «défonctionnalisation» des espaces. La Bruno Marchand: «Ce sont les détails qui font que l’on passe d’un contexte médicalisé à une ambiance domestique.» Photo: Florian Cela/24Heures

RkJQdWJsaXNoZXIy MTY2NjEzOQ==