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8 ARTISET 04 I 2022 À la une dans une unité des services psychiatriques universitaires de Berne (SPU), puis à nouveau en habitat protégé… Salome Balasso a perdu le compte de toutes les étapes marquées par l’instabilité qui se sont enchaînées. Un séjour d’un mois par le biais du «Projekt Alp» dans une ferme isolée, puis un placement dans la ferme d’une famille d’accueil ont, pour la première fois, apporté un peu de stabilité à la jeune fille de 16 ans: «Les trois filles de la famille ont été pour moi comme des sœurs cadettes», raconte-t-elle avec un sourire. Ce fut une période très positive, avec une famille qui l’entourait. Alors, lorsque les choses sont devenues plus difficiles, elle n’a pas voulu les lui imposer, choisissant de partir. Entrer en psychiatrie. Et en sortir Elle n’a pas tardé à pousser une nouvelle fois la porte de la psychiatrie. Jusqu’à ce que, alors qu’elle a 19 ans, se produisent deux tournants importants dans sa vie: d’abord, la pose du diagnostic de trouble de la personnalité borderline (TPB), «à la fois un soulagement mais aussi une étiquette qu’on vous colle». Ensuite, la rencontre, en clinique, de son compagnon Christian Heiniger, de six ans son aîné, diagnostiqué bipolaire et dépendant à l’alcool. Il ne boit plus depuis trois ans et travaille en tant que pair depuis six ans. Les yeux de Salome Balasso s’illuminent lorsqu’elle parle de lui. «Tout le monde disait que cela ne pourrait jamais marcher. À la clinique, les spécialistes se sont fermement opposés à notre relation», raconte-t-elle. Mais ils se trompaient complètement: «C’était il y a quatorze ans, et nous vivons toujours ensemble.» Participer au groupe d’entraide créé par Momo Christen, qui a raconté son expérience personnelle douloureuse dans un livre, l’a portée en avant. «Ce sont des heures qui m’ont énormément aidée», souligne Salome Balasso. «Momo m’a permis de comprendre que je pouvais me sortir de la psychiatrie.» Et de fait, les groupes d’entraide et toutes les formations continues ont fait de l’adolescente paumée et sans défense une jeune femme forte, qui sait comment prendre soin d’elle et aider les autres dans les moments difficiles. Sur son compte Instagram «salome_skillskiste», elle apparaît comme activiste de la santé mentale et écrit sur des sujets qui restent encore tabous. «Je souhaite par ce biais m’adresser en particulier aux jeunes.» Elle sort soigneusement de son sac son panier à astuces, qu’elle a tressé elle-même, et dépose un à un des objets sur la table: des élastiques à cheveux, des bâtonnets parfumés à la menthe et à l’ammoniaque, et un petit pot de Baume du Tigre à l’odeur particulièrement prononcée. «Ma mini-valise à astuces», explique-t-elle en saisissant entre ses doigts une petite boule en métal à picots, son objet préféré. Elle la fait tourner rapidement entre ses mains, ce qui produit sur ses doigts une forte stimulation appaisant le stress. Ces objets sont des outils importants, qu’elle complète en permanence. Ils sont une aide lorsqu’une personne ressent le besoin de se blesser, comme elle-même l’a fait pendant des années. Aujourd’hui, elle l’assume et ne dissimule pas ses cicatrices: «Elles font partie de moi et de mon histoire». Des perspectives pour les professionnel·les Avec son histoire et son expérience, Salome Balasso ouvre aussi d’importantes perspectives pour les professionnel·les. Elle est ainsi à même d’expliquer, par exemple, que rien ne sert de faire pression, dans une unité psychiatrique, sur une personne qui s’est automutilée ou qui a abusé des médicaments en dépit d’un accord sur lequel elle s’est engagée: «On se sent déjà suffisamment mal comme ça. Ce qui serait plus utile, c’est un soutien positif, un mot d’encouragement, par exemple, pour relever qu’on a tout de même réussi à tenir deux mois sans s’infliger de blessures.» Salome Balasso a appris à s’aider elle-même, à se détendre grâce à la méditation et à des exercices de pleine conscience. Elle puise également de la force dans son couple et en câlinant son chat. Mais ce qui lui donne le plus d’énergie, ce sont des témoignages comme celui de cette patiente, à l’issue du groupe de régulation des émotions organisé aux SPU de Berne: «Tu sais, chaque vendredi, l’exemple que tu donnes me permet de réaliser qu’il y a encore une vie après la clinique.» Ou le compliment reçu d’une infirmière en psychiatrie, lorsqu’elle lui a confié: «Grâce à vous, les pairs, j’ai appris à penser autrement et à ne pas voir uniquement des patients récurrents, mais des personnes avec des ressources.» Ce genre de témoignages l’aide durant les jours moins fastes. Car elle le sait désormais: «Il peut y avoir des rechutes, le processus de rétablissement est l’affaire de toute une vie.» FORMATION DE PAIR EX-IN Depuis 2010, l’association EX-IN Schweiz propose une formation continue de pair aux personnes qui ont vécu des situations de crise. Cette formation s’étend sur environ une année et comprend douze modules de trois jours avec près de 300 heures en auto-apprentissage et 190 heures de pratique. Les éléments importants sont les notions de recovery et d’empowerment: les personnes concernées doivent renforcer leurs compétences dans des domaines comme l’autodétermination, la quête de sens et la réalisation de soi, elles doivent prendre part à la vie en société, contrôler leur propre vie et croire en leurs propres idées de solution. ➞ www.ex-in-schweiz.ch ➞ positiveraendere.ch

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