Une architecture adaptée

24 ARTISET 01 I 2023 ne peuvent évoluer dans la vie qu’en étant accompagnées.» Ce besoin de liberté est donc important, déclare-t-il, et davantage de gens aimeraient pouvoir en profiter: les deux groupes d’habitation du parc tiennent une liste d’attente. Le parc ne leur est toutefois pas uniquement réservé, mais également ouvert à l’ensemble des bénéficiaires de la fondation Pigna. Beaucoup de lumière et d’air frais Actuellement unique en Suisse, un tel projet doit être bien pensé pour avoir une chance de réussir. Les unités d’habitation avec accès direct au parc sont chacune divisées en un groupe composé de personnes âgées plus tranquilles et un autre incluant des personnes plus jeunes et actives. De cette façon, les deux groupes peuvent développer leur propre dynamique. Les lignes des bâtiments sont volontairement épurées: outre l’accessibilité en fauteuil roulant, il y a beaucoup d’espace, de lumière et d’air. Les salles communes donnent accès au parc qui agrandit l’espace de vie et permet aux résidentes et résidents, si nécessaire, de se retirer dans un coin et de se mettre à l’abri des autres. C’est un bon moyen de prévenir les actes de violence, car le risque d’agression est bien présent chez quelques personnes, explique Susanne Grasser. «La plupart de ces agressions peuvent être évitées, justement en laissant l’opportunité à tout le monde de se déplacer et de se retirer librement à l’intérieur ou à l’extérieur.» Cela convient particulièrement bien aux personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme. Mario est l’un d’eux. Accroupi, les yeux fermés, il expose son visage au soleil et agite dans tous les sens une plante arrachée jusqu’à la racine. C’est ce qu’il aime faire et c’est ce qu’il a le droit de faire dans ce parc. «Cela fait partie du concept: tout est possible, tout est permis», déclare Susanne Grasser. Vraiment tout: si les résidentes et résidents en ont envie, ils peuvent se coucher ou patauger dans une flaque d’eau, déraciner des touffes entières de plantes ou creuser la terre avec leurs mains. Le groupe de jardinage de l’établissement remet ensuite en ordre ce qui a été arraché. Mario, pour ainsi dire le résident modèle du parc, est constamment à la recherche de la plante du jour qu’il pourra arracher facilement et agiter ensuite. Il habite ici depuis l’ouverture du parc, en 2013. Grâce à cette liberté nouvelle, il a énormément gagné en autodétermination, et donc en confiance en lui et en estime de soi, raconte Susanne Grasser. «C’est quelque chose pour les personnes de pouvoir être autonomes!» Celles qui aiment être dans la nature apprécient beaucoup de pouvoir aller et venir à leur guise, sans devoir attendre qu’un ou une accompagnante trouve le temps pour cela. «Le parc est une véritable oasis de calme et offre un espace de détente», résume Susanne Grasser. «Au lieu d’un Témesta, quelques tours dans le parc peuvent aider.» Non toxiques, sans danger et comestibles Bien que dénudé en hiver, le parc est aménagé de manière à stimuler les résidentes et résidents. Des chemins circulaires invitent à flâner et des grosses pierres à s’asseoir. Lorsqu’il fait trop froid, deux locaux chauffés équipés de machines à café permettent de se retirer, ce qui est très apprécié. Tout a été bien pensé: les chemins que l’architecte paysagiste avait d’abord envisagé en gravier, ont finalement été cimentés pour qu’ils puissent être facilement accessibles en fauteuil roulant et que les bordures soient détectables avec une canne blanche. En outre, toutes les plantes sont non toxiques, sans danger et comestibles de la pointe des feuilles à la racine. Les jolis rosiers ont dû être arrachés peu de temps après avoir été plantés afin que personne ne se blesse avec les épines en cueillant les fleurs. Quant au jardin gourmand, il est apparu que tout ce qui se mange n’est pas forcément adapté: alors que les fraises au sol ne conviennent pas aux personnes à mobilité réduite, les hauts buissons de myrtilles sont beaucoup plus pratiques. Quant aux groseillers à maquereau, ils sont eux aussi épineux. Pour les légumes également, les pièges étaient nombreux: les plants de tomates et de poivrons offrent certes de formidables légumes à déguster mais font partie des solanacées, qui renferment des composés toxiques et donc inadaptées, explique Susanne Grasser. Outre les chemins, les plantes et les pierres, un trampoline accessible en fauteuil roulant et une balançoire géante dans la vaste serre vitrée aux grands palmiers invitent au mouvement. Marco, un autre résident, s’y est justement installé, oscillant doucement d’avant en arrière. Décontracté, il observe Mario qui flâne de l’autre côté de la serre en agitant sa plante. «Comme tout dans ce parc, la serre appartient aux résidentes et résidents. Elle est à leur disposition en permanence.» Au milieu de toute l’organisation nécessaire pour structurer la vie quotidienne, le parc reste un espace de liberté accessible en tout temps. VIVRE AU PARC La fondation Pigna propose 147 logements dans différentes formes d’habitat et 85 places en centre d’accueil de jour. Deux ateliers et une entreprise de services proposent 180 emplois pour personnes en situation de handicap. La fondation est présente dans la vallée de la Glatt (ZH) et dans l’Unterland zurichois. ➞ www.pigna.ch À la une

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