Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

ARTISET 03 I 2022 13 aussi dû à des préjugés, remarque Jan Habegger. L’entourage des personnes concernées décide ainsi souvent un peu vite que celles-ci n’ont pas d’intérêt politique parce que les thèmes traités sont trop éloignés de leur cadre de vie. À Genève, se souvient Marina Vaucher, responsable associative chez Insos Genève, ce genre de préjugés avaient également ressurgi avant la votation populaire consacrée à cette question. Même des spécialistes s’étaient montrés critiques par rapport au projet, estimant que la participation de personnes se trouvant déjà en situation de handicap cognitif sévère n’avait pas vraiment de sens et serait trop compliquée. Un point de vue que Marina Vaucher et Jérôme Laederach ne partagent clairement pas. Un café-rencontre «spécial votations» comme aide à la décision Pour que les personnes en situation de handicap puissent, conformément aux dispositions de la CDPH, participer et s’impliquer «effectivement et pleinement, sur la base de l’égalité avec les autres» dans la vie politique, elles ont besoin de soutien. Les initiatives prises entre-temps dans de nombreux cantons et au niveau de la Confédération devraient permettre d’intensifier encore les efforts entrepris sur ce plan. C’est ce que montre l’exemple genevois: la Chancellerie d’État a édité une brochure en langage simplifié destinée à expliquer aux personnes intéressées comment elles peuvent participer aux votations. Une vidéo explicative complète la brochure. La Chancellerie de l’État de Genève considère cependant que l’adaptation en langage simplifié du matériel de vote ne relève pas de ses attributions. Pour quelle raison? Si des informations qui ne seraient pas absolument correctes devaient figurer dans la brochure d’information officielle concernant les votations, ces dernières pourraient être invalidées. Les institutions pour personnes en situation de handicap se sont engouffrées dans la brèche. «Il existe des groupes interinstitutionnels qui traduisent le matériel de vote dans un langage facile à lire et à comprendre», affirme Jérôme Laederach. En prime, précise Marina Vaucher, des efforts ont également été entrepris pour mettre sur pied des «cafés-rencontres» favorisant les discussions sur le contenu des votations. Le modèle utilisé à Genève est celui du Bla-Bla-Vote de la fondation Eben-Hézer à Lausanne (voir page 14). Pour Jan Habegger, ces groupes d’échange et de discussion sont essentiels. En Suisse alémanique également, quelques institutions pour personnes en situation de handicap encouragent la formation politique de leur personnel ou de leurs résident·es. Ce sont essentiellement des institutions dans lesquelles la participation est déjà de règle, par exemple dans le cadre de groupes d’autoreprésentation. Mais, comme le souligne Jan Habegger, l’éducation civique est très peu abordée dans les écoles spécialisées et dans le cadre de la formation professionnelle initiale des personnes en situation de handicap. La Confédération et les cantons n’en sont qu’au début De manière générale, les pouvoirs publics, que ce soit au niveau de la Confédération ou de celui des cantons, n’en font pas encore assez, de l’avis de Jan Habegger. Tout comme Genève, les cantons d’Argovie et des Grisons ont élaboré des instructions de vote. C’est également le cas de quelques communes, comme Uster et Wallisellen dans le canton de Zurich. Au niveau fédéral, Insieme a élaboré, en collaboration avec l’organisation Easyvote, qui promeut la participation politique des jeunes adultes, «Un guide pour voter» en langage simplifié avant les élections fédérales de 2019. Cette brochure a été financée pour moitié par la Confédération. Toujours au niveau fédéral, la Chancellerie est actuellement en train de développer des chablons de vote tactiles en collaboration avec les associations de personnes aveugles et malvoyantes. En revanche, un essai pilote de matériel de vote rédigé en langage simplifié a été abandonné il y a deux ans. Les arguments étaient les mêmes que ceux de la Chancellerie d’État à Genève: une traduction exacte aboutirait à un texte beaucoup trop long. Mais si l’on choisit de réduire la quantité d’informations, on court alors le danger de transmettre un éventuel jugement de valeur. Des arguments que Jan Habegger et Cyril Mizrahi peuvent comprendre sur le fond, tout en estimant que l’État pourrait confier le travail de traduction, contre rémunération, à une organisation. Car, pour eux, l’élaboration du matériel de vote est et reste en premier lieu une responsabilité régalienne. À la une «L’entourage des personnes concernées décide souvent un peu vite que celles-ci n’ont pas d’intérêt politique, parce que les thèmes traités sont trop éloignés de leur cadre de vie.» Jan Habegger, directeur adjoint d’Insieme Suisse

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