Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

ARTISET 03 I 2022 25 Intéresser les enfants et les jeunes à la politique: c’est pour cela que le Parlement des Jeunes a été créé. Et c’est pour cela que les sections «jeunes» des partis existent, que ce soit la Jeunesse socialiste suisse, les Jeunes UDC ou encore les Jeunes Vert·e·x·s. C’est vrai sur le papier. Mais Carol Schafroth s’empresse de remettre les choses en perspective. En tant que directrice de Campus pour la démocratie, à Berne, elle s’occupe notamment de promouvoir l’éducation politique et la participation des enfants, des jeunes et de la population qui ne dispose pas de la nationalité suisse. En ce qui la concerne, une chose est claire: «Si l’on veut préparer les jeunes à s’impliquer en politique, le maître mot clé est: participation au quotidien.» En famille, à l’école ou en institution. En Suisse, pourtant, l’éducation civique reste encore trop souvent un sujet secondaire, voire négligé, selon les lieux: «Nombre d’enseignantes et enseignants hésitent, craignant de trop influencer les élèves», explique Carol Schafroth. Le Plan d’études 21 précise pourtant clairement que «l’éducation civique consiste, tout comme l’éducation au développement durable, à permettre à chacun·e de participer activement et de manière autodéterminée à façonner notre vivre ensemble». Selon la fondation éducation21, qui est le centre national de compétences et de prestations pour l’éducation en vue d’un développement durable (EDD) en Suisse, une compétence importante est celle qui permet aux élèves de prendre conscience et d’exprimer leurs intérêts et leurs besoins. Quant à l’objectif premier de l’éducation à la citoyenneté, il est de transmettre à chacun·e des aptitudes et des compétences et d’encourager l’action politique. Certes, mais la manière dont ces aptitudes, ces compétences et cette volonté d’action politique sont supposées être transmises n’étant clairement détaillée nulle part, elle reste pour l’essentiel de la seule responsabilité du corps enseignant. Du côté du Campus pour la démocratie, Carol Schafroth recommande d’adopter comme ligne directrice le «Consensus de Beutelsbach», publié par le Centre fédéral allemand pour l’éducation citoyenne (lire l’encadré en page 27). Il n’existe encore aucun document équivalent pour la Suisse, mais la directrice considère que les trois points d’ancrage du consensus – l’interdiction d’user de son influence, le principe de la controverse et la prise en considération des élèves – sont également importants dans le contexte suisse. «Lécole a toujours un impact politique. D’où l’importance de la diversité.» Sujets importants pour les jeunes: le piercing et la mode Mais, pour Carol Schafroth, l’entrée dans le monde politique se fait de toute manière déjà bien avant, dans le cadre de la vie quotidienne: «Pour les enfants et les jeunes, participer veut dire apprendre à exprimer ses besoins, mais également accepter et apprendre à gérer le fait que les choses ne se déroulent pas toujours comme on le souhaiterait.» Et pour y parvenir le plus tôt possible, elle recommande de s’adresser aux jeunes «sur leur terrain», en fonction de leur âge, par le biais de thématiques qui font partie de leur quotidien. Pour cela, elle et son équipe travaillent avec un jeu de cartes illustrées. L’une d’entre elles représente un skatepark, un sujet en lien avec les loisirs, mais sur laquelle on peut lire: «Ça aussi, c’est de la politique.» Carol Schafroth acquiesce et explique qu’il s’agit effectivement d’un sujet parfait pour commencer. Il est possible de discuter avec les jeunes des différentes étapes à franchir, au niveau d’une commune, jusqu’à la création effective d’un skatepark: l’aspect sécuritaire, le financement, l’utilisation, etc. «Ce sont des thématiques pour lesquelles les jeunes s’enthousiasment immédiatement», souligne-t-elle. D’autres cartes montrent un jeune homme avec des piercings, ou la vitrine d’une boutique de mode avec un panneau indiquant «Soldes». Là encore, on peut dégager de nombreux sujets permettant de lancer des discussions politiques ancrées dans la réalité: à partir de quel âge peut-on se faire «piercer», à quelles prescriptions sont soumis les studios de piercing, un maître d’apprentissage a-t-il le droit d’interdire les piercings? Ou encore: quelles sont les dispositions légales relatives à l’importation de vêtements et de tissus, à quelles dates peuvent avoir lieu les soldes, et qui détermine les heures d’ouverture des magasins? Lorsqu’on adapte les thématiques au contexte de la vie quotidienne des jeunes, beaucoup d’entre celles et ceux qui jusque-là se déclaraient «totalement apolitiques» constatent souvent avec étonnement: «Oh, mais en fait la politique m’intéresse!» Ce sont des moments qui enthousiasment Carol Schafroth, pour Comment les jeunes apprennent-ils à s’intéresser à la citoyenneté et à la politique? D’après les spécialistes, c’est en commençant par s’affirmer et s’engager pour ce qui les intéresse et les préoccupe au quotidien. C’est en allant les chercher sur leurs thèmes quotidiens: le skate, les piercings, la mode… Claudia Weiss

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