Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

ARTISET 03 I 2022 7 Il ne pouvait pas en être autrement pour Cem Kirmizitoprak: il était prédestiné à une carrière politique. Il arbore un large sourire, boit une gorgée de café et explique, dans le sympathique dialecte saint-gallois, comment c’est arrivé: «Je suis né dans une famille kurde en Turquie, où l’on apprend dès le plus jeune âge qu’il se passe des choses qui ne sont pas correctes. On est donc automatiquement plongé dans la politique.» Cem Kirmizitoprak est en fauteuil roulant électrique suite à une tétraplégie cérébrale. Une raison de plus pour se battre encore et toujours pour sa place et ses droits. Au fil des années, ce trentenaire est devenu un membre actif du PS. «Il y a deux ans, seulement 600 voix m’ont manqué pour entrer au Parlement de la ville», raconte-t-il, avant d’ajouter, sûr de lui: «Aux prochaines élections, ça devrait passer.» Et sans quota de personnes en situation de handicap, dont il ne veut pas entendre parler: «Après, tu ne sais même pas si les gens te trouvent bien!» Il souhaite en revanche une égalité totale. C’est pourquoi Cem Kirmizitoprak, responsable du bureau de conseil pour l’inclusion et fondateur d’un café-votations inclusif, est parfois délibérément rebelle: après la réorganisation de l’association régionale d’aide et de soins à domicile, il s’est immédiatement plaint par le biais d’un communiqué de presse et de posts sur Facebook, critiquant la nouvelle organisation, dont le fonctionnement était si mauvais qu’il a même été oublié à plusieurs reprises alors qu’il était un client quotidien de l’association. Une conseillère municipale l’a agressé verbalement pour avoir rendu public le problème. «Cela m’a rendu extrêmement heureux.» Heureux? «Oui, cela signifie que je suis pris au sérieux.» Pour cela, il s’engage sans répit depuis des années. À 17 ans, bien décidé à s’attaquer de manière concrète aux problèmes de société, Cem Kirmizitoprak est devenu membre de la Jeunesse socialiste. Le handicap et l’immigration ont bien évidemment toujours fait partie de ses revendications, mais pas seulement. «En tant que politique, je souhaite œuvrer pour l’ensemble de la société.» L’inclusion politique concerne tout le monde Il y a quelques années, lorsque des jeunes s’étaient fortement engagés pour que le skatepark de la rue Kreuzbleicheweg soit doté d’un éclairage, il a rapidement soutenu leur revendication, lancé une pétition et déposé 3000 signatures auprès du Parlement de la ville. Cela n’a pas été vain, raconte-t-il avec un large sourire, puisque le skatepark est à présent éclairé. Quant à la question, souvent posée, de savoir pourquoi, en tant que personne en fauteuil roulant, il s’est engagé pour cette cause des jeunes et pour un skatepark qu’il ne pourra jamais utiliser, Cem Kirmizitoprak répond toujours de manière concise: «Nous ne faisons pas de la politique uniquement pour nous-mêmes. Lorsque quelqu’un est exclu, j’agis!» Les questions liées à l’inclusion et à l’implication politique, explique-t-il, ne concernent pas uniquement les personnes en situation de handicap, mais aussi les jeunes, les personnes issues de l’immigration, les femmes, et bien d’autres groupes. Cem Kirmizitoprak s’engage en faveur de l’égalité à tous les niveaux et estime que la participation à la vie politique ne signifie pas seulement «pouvoir être élu», mais aussi «voter et pouvoir s’informer sans avoir besoin d’un doctorat pour comprendre les objets soumis au vote». Pour lui, il n’est pas question d’organiser des événements exclusifs. Pour son café-votations, par exemple, il n’a pas hésité à collaborer avec Easyvote, un groupe qui réalise des brochures simplifiées pour expliquer le contenu des votations aux jeunes: «Grâce à cette collaboration, non seulement les personnes en situation de handicap, mais aussi les jeunes, et parfois même leurs parents, se sentent concernés.» C’est donc un événement pour tout le monde, conformément à son objectif d’inclusion totale. Ce café politique s’est tenu pour la troisième fois le 1er septembre dernier. Son déroulement est déjà bien établi: Easyvote présente chaque objet soumis au vote en vingt minutes, puis deux responsables politiques, de gauche et de droite, s’expriment. «Ce n’est pas une manifestation du PS, mais de l’inclusion», précise Cem Kirmizitoprak. Son café-­ votations reçoit un soutien financier de la part du canton de Saint-Gall jusqu’à l’année prochaine. Il réfléchira ensuite à la manière de continuer à le financer. Mais au moins, affirmet-il en souriant, il a réussi à lui donner un écho. S’engager pour une éducation juste Cem Kirmizitoprak n’est pas du genre à attendre que la Confédération, les communes ou les institutions fassent les choses pour lui: il s’engage, et on ne peut pas le faire taire. «Je suis Cem, socialiste, militant pour l’égalité et homme d’action», énonce-t-il clairement. Un conseiller municipal saint-gallois l’a une fois surnommé, en plaisantant, «Cems Bond, agent pour l’inclusion». Ce jeu de mots lui a Âgé de 30 ans, Cem Kirmizitoprak est membre actif du PS, responsable d’un bureau de conseil pour l’inclusion et l’initiateur d’un café-votations inclusif. L’inclusion, revendique-t-il, doit avoir lieu à tous les niveaux. Pour cela, il se bat avec beaucoup d’énergie et de créativité. Claudia Weiss

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