Magazine ARTISET_3-2022_Citoyenneté politique et participati

ARTISET 03 I 2022 9 tellement plu qu’il l’a repris pour sa page Facebook. Il veut être considéré comme une personne et pris au sérieux en tant que politique. Le regard vif, il déclare: «J’ai un handicap uniquement si je suis face à un escalier ou si je ne trouve pas de toilettes accessibles en fauteuil roulant.» Dès l’adolescence, ses avis tranchés et ses déclarations déterminées ont souvent choqué. «J’étais un élève dérangeant», avoue-t-il en riant, avec une pointe de fierté. À l’âge de 18 ans, il a presque porté plainte contre le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures. En effet, dans l’école spécialisée qu’il a fréquentée, il n’a de loin pas reçu le soutien auquel il aurait eu droit au vu de ses capacités intellectuelles. Estimant avoir subi un grand préjudice, il a demandé une indemnisation. Lorsqu’il évoque ces obstacles, il a parfois recours à des mots durs. «C’est à vomir», lance-t-il alors sans se gêner. Arrivé en Suisse d’Izmir avec ses parents à l’âge de sept ans, il était en classe avant même le début des cours afin d’apprendre rapidement l’allemand, et ses enseignants affirmaient que c’était un garçon intelligent. Il n’a toutefois pas bénéficié d’un soutien adéquat. Sa scolarité se serait-elle mieux passée s’il avait fréquenté une école ordinaire? «Oui, cela ne fait aucun doute!» Et d’ajouter: «Je n’ai aucun désavantage, si ce n’est le fait que je ne peux pas marcher.» S’il avait bénéficié d’un soutien adéquat, il est convaincu qu’il aurait pu acquérir beaucoup plus tôt et plus facilement toutes les connaissances qu’il a dû réunir ensuite lui-même en suivant de nombreuses formations continues. C’est pourquoi il n’a pas lâché prise avant d’obtenir du canton d’Appenzell 4000 francs «pour améliorer sa grammaire». Une fois sa scolarité terminée, Cem Kirmizitoprak a débuté une formation pratique en industrie. Une solution provisoire qui ne lui plaisait guère: il aurait voulu devenir employé de commerce. Il se fait rapidement remarquer par ses revendications et ses opinions politiques. Il reçoit alors un avertissement de la part de la direction de l’institution. Indigné, il estime que cela n’est rien d’autre que du harcèlement moral. «C’est vrai que c’est inhabituel qu’un jeune de 18 ans exprime ses opinions politiques de manière aussi tranchée», concède-t-il. Il a néanmoins été heureux de pouvoir emménager peu de temps après dans un logement de l’institution Imbodehuus, à Saint-Gall. Il s’est enfin senti compris et a reçu le soutien qui lui avait fait défaut pendant si longtemps. En 2012, il a même été encouragé à organiser sa première manifestation politique avant la votation sur la diminution des prestations complémentaires. Il a réussi à convaincre le Conseil d’État, ce qui a marqué le début de sa carrière en politique. «J’ai vraiment eu un déclic!», se rappelle-t-il. Depuis, plus rien ni personne ne peut l’arrêter. La créativité est nécessaire en politique «Bon, je vais vous montrer comment l’inclusion fonctionne!», a-t-il déclaré, après quatre tentatives infructueuses d’insertion professionnelle. Il a suivi une formation continue en conseil axé sur la recherche de solutions et en gestion des conflits, il a emménagé dans son propre appartement et installé dans son salon son nouveau bureau de conseil pour l’inclusion. Avec sa collaboratrice, qu’il paie lui-même, ils soutiennent des personnes qui se sentent discriminées par des institutions, des services publics ou des tiers, ou qui ont des difficultés à faire valoir leurs besoins. Pour son entreprise, il a préféré la raison de commerce individuelle. Une association, dit-il en secouant la tête, aurait été trop contraignante pour lui. «Mon entreprise est petite, mais mes projets sont grands.» En effet, les idées ne lui manquent pas: actuellement, il joue dans la mise en scène de «Guillaume Tell», par Milo Raus au Schauspielhaus de Zurich, il aide les personnes en quête de conseils relatifs à l’égalité et organise son café politique ou des événements dédiés à des thèmes tels que le handicap et la sexualité. Dans deux ans, il souhaite produire sa propre pièce de théâtre sur ce sujet, portant ainsi un tabou à la scène. Pour l’année prochaine, il prévoit d’organiser une table ronde sur le thème «violence structurelle dans les institutions». Cem Kirmizitoprak fait preuve de vivacité dans ses réflexions et d’imagination dans ses actions. Il possède en outre une bonne dose de confiance en lui. Alors que l’entretien touche à sa fin, il fait un petit tour élégant en fauteuil roulant électrique dans le hall de la gare et pose pour la photo. Son objectif ultime est qu’un jour son bureau de conseil ne soit plus nécessaire car l’inclusion ira de soi. D’ici là, il continuera à se battre sans relâche. «En effet, je ne fais pas de petits projets. Je veux faire des projets éléphantesques!» ➞ Informations: www.beratungsstelle-inklusion.ch Marche collective: «Nous ne vous laisserons pas nous diriger!» 29 novembre 2022, 14 h 00. Lieu de rassemblement: parc St. Leonhardspärkli à Saint-Gall. À la une

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