Les entreprises sociales en mutation | Magazine ARTISET | 3-2023

ARTISET 03 I 2023 11 De telles solutions souples et individuelles sont-elles un défi pour les institutions? Oui. Et cette évolution ne se fait pas sans conflits ni oppositions dans les institutions et entreprises sociales, qui doivent faire face à un triple antagonisme. Elles doivent remplir un mandat légal de la société, un mandat des personnes concernées et un autre mandat lié à leur profession. Je comprends les institutions ayant des difficultés à se positionner face à cet antagonisme. Mais je comprends aussi les exigences du marché et des assurances sociales ainsi que les souhaits des personnes concernées. La CDPH réclame très clairement la désinstitutionalisation, la participation et l’intégration sur le marché général du travail. Qu’en pensez-vous? Il est important d’avoir une orientation, de formuler un idéal ou un objectif, également comme pour pouvoir engager le dialogue. Mettre en œuvre les postulats de la CDPH demande du temps et des échanges entre les parties prenantes pour nuancer les choses. Le marché du travail actuel fait partie de l’équation. Mais tel qu’il fonctionne aujourd’hui, je ne pense pas qu’il permettra une mise en œuvre de la CDPH. Néanmoins, je pense qu’il est possible d’élargir ensemble le marché du travail de façon à se rapprocher de plus en plus des exigences. Que voulez-vous dire par «élargissement du marché du travail»? Nous devons tout d’abord définir clairement de quoi il est question. Les spécialistes de l’intégration professionnelle peuvent aider les personnes concernées à se rapprocher des exigences du marché. Dans le même temps, le marché existant peut adapter davantage les postes de travail aux prérequis des personnes. Je pense néanmoins que nous avons besoin de nouvelles formes de prestations, de nouveaux secteurs et de nouveaux concepts d'entreprise, émanant d’une société inclusive et développés activement par chacune et chacun. Les entreprises du marché ordinaire du travail sont-elles prêtes à soutenir de telles idées? Le reproche selon lequel le marché ordinaire du travail ne veut pas apporter sa contribution n’est pas justifié. Le marché du travail est avant tout insuffisamment informé. Dans le fond, il n’y a besoin ni de dispositions légales, par exemple sur les quotas, ni d’autres mesures réglementaires. Ce qui est nécessaire, ce sont plutôt les prestations éducatives que les institutions sociales peuvent fournir. Qu’entendez-vous par «prestations éducatives des institutions»? La Poste Suisse est un exemple de l’intérêt porté par le marché ordinaire du travail. Des possibilités de participation et d’intégration professionnelle sont en train d’y être développées. Pour ce faire, il faut que les prestations de soutien puissent être traduites dans la réalité des entreprises. Il s’agit donc de mettre en concordance les besoins des personnes concernées avec la réalité des employeuses et employeurs. Comment les entreprises sociales réussissent-elles un tel travail de «traduction»? C’est un processus très individuel, qui doit tenir compte des possibilités spécifiques des différentes entreprises. Et de leur côté, les entreprises sociales doivent examiner les compétences dont elles disposent, et voir comment et avec quels partenaires effectuer ce travail de traduction. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette «traduction»? Le marché croissant du job coaching fournit notamment de telles prestations. Dans le canton d’Argovie par exemple, plusieurs entreprises sociales ont donné ensemble naissance à Learco pour soutenir dans la même mesure les personnes concernées et les employeurs. On trouve aussi des institutions sociales qui achètent un bâtiment pour en louer une partie à des entreprises du marché ordinaire du travail. C’est le cas de Mehrwerk Uster. L’entreprise sociale travaille ainsi au milieu d’autres entreprises. Il en résulte un changement des rôles et un accès facilité aux nouvelles possibilités d’inclusion. Mentionnons aussi ce que nous venons justement de démarrer avec Grundlagenwerk: en plein milieu de la logistique après-vente de Digitec Galaxus, à Dintikon, en Argovie, nous gérons depuis peu le projet «Restwert». GRUNDLAGENWERK Créée sous la forme de société anonyme d’utilité publique en 2018 à Wangen bei Olten, Grundlagenwerk AG a établi la franchise sociale dans le secteur. Sa réalisation de référence est le projet «Restwert», qui est aujourd’hui mis en œuvre dans toute la Suisse sur plus de vingt sites par les institutions sociales. Dédié aux personnes ayant un potentiel d’intégration dans le domaine commercial, «Restwert» s’occupe de toutes les tâches liées à la vente d’articles de seconde main sur la plate-forme commerciale en ligne. Toujours dans le domaine de la franchise sociale, «Fundpark», qui s’adresse aux personnes ayant des aptitudes en médiamatique, verra prochainement le jour. Grundlagenwerk fournit en outre des prestations de conseil et organise des conférences ainsi que des congrès sur le thème de l’innovation sociale.

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