Développer la qualité des soins Magazine ARTISET 4 2023

À la une Développer la qualité des soins Comment favoriser la participation politique des personnes en situation de handicap La situation des enfants placés doit être améliorée partout en Suisse Les EMS ont besoin d'organes responsables qui travaillent de manière professionnelle Édition 04 I 2023 Le magazine des prestataires de services pour les personnes ayant besoin de soutien. ARTISET

www.Lohmann-Rauscher.com L&R : une présence internationale, un enracinement régional. L'homme au cœur des préoccupations. Son bien-être est au centre de notre activité. Nous sommes fournisseur de solutions. Nous sommes à vos côtés. Avec expertise et assiduité. Lohmann & Rauscher (L&R) est une entreprise internationale majeure de dispositifs médicaux et de produits d'hygiène haut de gamme. Vous nous trouverez en Suisse sur le site de St-Gall. Fournisseur de solutions pour des exigences complexes en soin et traitement des patientes et patients, nous développons, produisons et distribuons entre autres des produits, concepts et services destinés au traitement des plaies, des bandes et des pansements, des systèmes de trousses opératoires pour hôpital et cabinet, ainsi que des produits pour le traitement par pression négative (CNP). Notre champ de compétences. La santé définit notre vision et nos valeurs. Vers notre boutique en ligne : Lohmann & Rauscher AG · Oberstrasse 222 · 9014 St. Gallen · Suisse

ARTISET 04 I 2023 3 Éditorial «Les indicateurs de qualité et le programme de développement de la qualité renforcent la cohésion au sein du secteur à l’échelle nationale.» Elisabeth Seifert, rédactrice en chef Chère lectrice, cher lecteur, C'est pour bientôt: selon les informations de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), des indicateurs de qualité médicaux seront publiés pour la première fois début 2024 au niveau des établissements médico-sociaux. L'OFSP rendra ainsi compte, à l’échelle nationale et publiquement, des données des institutions de soins relatives à plusieurs indicateurs. Le relevé et la publication d'indicateurs de qualité médicaux répondent à une obligation ancrée dans la LAMal. Le but est de «surveiller la qualité des prestations», pour reprendre les termes de la loi. Cette obligation est un défi pour le secteur: rien que la collecte des données dans l'ensemble des plus de 1500 institutions médico-sociales est loin d'être simple, d'autant moins que les données doivent être saisies de manière uniforme. De plus, toute une série de questions se posent quant à la pertinence de tels indicateurs, notamment sur l'utilisation des résultats, que ce soit de la part des établissements eux-mêmes, des autorités ou du public. Les indicateurs nationaux doivent contribuer à davantage de transparence, expliquent Daniel Domeisen et Verena Hanselmann, de l’association de branche Curaviva (page 12). Ils ajoutent que cette transparence doit favoriser la mise en place d’un processus de développement de la qualité coordonné au niveau national et basé sur des données. C'est la raison pour laquelle la Confédération et la Commission fédérale de la qualité ont lancé le Programme national de mise en œuvre de la qualité des soins de longue durée dans les établissements médico-sociaux 2022 – 2026. Afin de développer des instruments de travail utiles pour la pratique, des institutions des trois régions du pays collaborent à ce programme. Nous en avons approché trois (pages 6, 16 et 22). Leurs responsables s’expriment sur les opportunités et sur les défis que représentent les indicateurs de qualité nationaux. Ils parlent ouvertement de leurs doutes et de leurs inquiétudes. À propos de leur participation au programme national de mise en œuvre, ils sont unanimes pour dire que les échanges avec d'autres EMS sont précieux. Les indicateurs de qualité et le programme de développement de la qualité renforcent la cohésion au sein du secteur à l’échelle nationale. Il y a là un grand potentiel, à l’interne comme à l’externe: l'union des forces permet d’offrir des prestations de grande qualité. De plus, les établissements médico-sociaux peuvent mieux faire entendre leur voix auprès des autorités et du monde politique au niveau national. Changement au sein de la rédaction: Fin octobre, après douze ans comme rédacteur du magazine, Urs Tremp a pris sa retraite. Et fin novembre, après dix ans en tant que rédactrice, Claudia Weiss a choisi de relever un nouveau défi. L'un et l'autre ont fortement marqué le magazine par leurs reportages, portraits, interviews et comptes-rendus. Nous leur souhaitons le meilleur pour l’avenir. En janvier prochain, Salomé Zimmermann rejoindra l’équipe de rédaction. Âgée de 46 ans, elle a travaillé pendant de nombreuses années au sein du Département communication et marketing de l'Université de Berne, où elle était notamment responsable du magazine interne de l'université. Photo de couverture: une soignante et une résidente dans le couloir d’une des maisons de Residio, à Hochdorf (LU). Le développement de la qualité des soins est ici une priorité. Photo: Residio SA

Heri, 12 ans SPINAS CIVIL VOICES / © CBM/Hayduk Faites un don. cbmswiss.ch Des millions de personnes à travers le monde souffrent de problèmes de vue en raison de la cataracte. Avec un don de seulement 50 francs, vous permettez à une personne aveugle de recouvrer la vue et d’avoir ainsi de nouvelles perspectives d’avenir. Donnez lavue. Compétence et fraîcheur main dans la main Transgourmet renforce sa compétence dans le secteur du Care. Des solutions taillées sur mesure pour vous Afin de répondre aux demandes toujours croissantes dans le secteur du Care, Transgourmet met à votre disposition une équipe de compétences composée de spécialistes orientés vers la pratique. Ceux-ci ne ménagent pas leurs efforts pour se pencher sur vos besoins et ils élaborent des solutions taillées sur mesure pour vous. À l’adresse care@transgourmet.ch, vous trouverez toujours un interlocuteur compétent à votre service. Vos avantages L’un des avantages de Transgourmet est qu’en plus des articles spécialement destinés à l’hôtellerie Care, un vaste assortiment complet de plus de 25 000 articles des catégories Food, Boissons, Non-Food, Near-Food et produits frais est également à disposition. Si vous souhaitez vous informer au sujet des assortiments spéciaux Care, vous accéderez directement aux articles correspondants par le biais du lien suivant: transgourmet.ch/care-shop. Troubles de la mastication et de la déglutition Afin de vous simplifier la tâche au quotidien dans les foyers et les hôpitaux, vous trouverez dans notre offre des produits convenience taillés sur mesure pour les personnes souffrant de dysphagie. Et si vous souhaitez préparer vous-même des plats en purée, c’est également chez nous que vous trouverez les produits qu’il vous faut. Aliments pour seniors C’est sous ce terme générique que Transgourmet a composé une sélection d’articles qui, grâce à leur dimension ou à leur composition, sont taillés sur mesure pour les besoins des personnes âgées. En ce qui concerne les produits à base de viande, nous avons affaire à des portions très petites, pour le poisson à des produits sans arêtes. PUBLIREPORTAGE Transgourmet Suisse SA Lochackerweg 5 | 3302 Moosseeedorf | transgourmet.ch/care

ARTISET 04 I 2023 5 Sommaire SONT CERTIFIÉES CRADLE TO CRADLE NOS ENCRES D’IMPRESSION Impressum. Rédaction: Elisabeth Seifert (esf), rédactrice en chef; Salomé Zimmermann; Anne-Marie Nicole (amn); France Santi (fsa); Jenny Nerlich (jne) • Correction: Stephan Dumartheray • Éditeur: ARTISET • 2ème année • Adresse: ARTISET, Zieglerstrasse 53, 3007 Berne • Téléphone: 031 385 33 33, e-mail: info@artiset.ch, artiset.ch/ magazine • Annonces: Zürichsee Werbe AG, Fachmedien, Tiefenaustrasse 2, 8640 Rapperswil, téléphone: 044 928 56 53, e-mail: markus.haas@fachmedien.ch • Graphisme et impression: AST&FISCHER AG, Seftigenstrasse 310, 3084 Wabern, téléphone: 031 963 1111 • Abonnements: ARTISET, téléphone: 031385 33 33, e-mail: info@artiset.ch • Abonnement annuel CHF 125.– • Parutions: 8× allemand (4600 ex.), 4× français (1400 ex.) par année • Certification des tirages par la REMP 2023 (pour la version en allemand): 3167 ex. (dont 2951 ex. vendus) • ISSN: 2813-1363 • réimpression, en tout ou partie, selon accord avec la rédaction et indication complète de la source. À la une 6 EMS Ried, à Bienne: défintion des standards de qualité pour chaque indicateur 10 Pourquoi collecter et publier les indicateurs de qualité nationaux? 12 La transparence favorise l'amélioration 16 Casa Giardino et Casa Soave, à Chiasso: une longue expérience des indicateurs 19 Ce qu'il faut entendre par qualité des soins 22 Residio SA, à Hochdorf: le travail avec les indicateurs demande des efforts 26 Un programme pour le développement de la qualité Les brèves 30 Les civilistes en renfort L’actu 32 Améliorer la situation des enfants placés 36 L'évaluation collective du travail renforce l'identification au sein de l'entreprise 38 Favoriser la participation politique des personnes en situation de handicap 41 Comment les organes responsables s'organisent pour relever les défis 44 La recherche centrée sur les patient·es 48 Une formation en soins infirmiers en situation de crise Espace politique 50 Flavia Wasserfallen, conseillère aux États PS (BE) 16 32 50

6 ARTISET 04 I 2023 Entre tradition et recherche de la qualité L’EMS Ried à Bienne: presqu’un siècle de tradition dans l’accompagnement des personnes âgées. Les responsables s’engagent en faveur de la qualité des soins et de la qualité de vie. Photo: Fabio Blaser/Ried

ARTISET 04 I 2023 7 Comme dans tous les établissements médico-sociaux, la collecte des données pour les besoins des indicateurs de qualité médicaux fait partie du quotidien de l’établissement de Ried, à Bienne. Si l’utilité de cette obligation légale n’est pas – encore – bien perçue par les responsables, la démarche a suscité une prise de conscience quant au processus de développement de la qualité. Anne-Marie Nicole Situé sur les hauteurs de Bienne, dans le quartier de Beaumont, l’établissement médico-social Ried fêtera dans quelques mois son 95e anniversaire. Dans les années 1920, la ville de Bienne avait racheté plusieurs propriétés à la communauté des héritiers de la famille Robert, une dynastie de peintres installés dans la région depuis le milieu du 19e siècle. Ce faisant, la commune s’était engagée à utiliser les biens-fonds principalement dans des buts humanitaires, transformant les propriétés de Ried du haut et de Ried du bas en maisons de retraite. Si la maison du haut a récemment fermé ses portes, celle du bas, qui abritait à l’époque l’atelier de Léo-Paul Robert, offre aujourd’hui trente-huit places en long séjour en chambres individuelles ou doubles ainsi que seize places dans des studios – «pour des personnes âgées qui ne sont pas encore prêtes à franchir la porte de l’EMS, mais qui ont besoin de soutien», explique Sandra Debboub, responsable des soins et de l’accompagnement. Avec une cafétéria ouverte au public, la maison est un lieu de rencontre dans le quartier. Elle est aussi l’un des quatre établissements médico-sociaux municipaux qui dépendent de la ville de Bienne. Dans les étages, l’heure est encore au petit-déjeuner. Les tables sont disposées çà et là, dans le dédale des couloirs, signe des transformations, rénovations et agrandissements qui se sont succédés au fil des années. L’atmosphère est paisible. Tandis que certain·es prennent leur temps pour terminer leur repas matinal, d’autres ont rejoint leur chambre pour y recevoir quelques soins, d’autres encore se dirigent vers le rez-de-chaussée où une équipe commence à installer les décorations de Noël. «Qu’est-ce qui est important? La qualité des soins ou la qualité de vie?», interroge Angela Rebetez, directrice des lieux, prenant à témoin ce moment du quotidien où chaque personne semble vivre à son rythme, selon ses désirs. «Bien sûr, la qualité des soins contribue à la qualité de vie. Mais la qualité de vie est propre à chacune et chacun, on ne peut pas l’évaluer globalement. Et c’est sur cette qualité de vie que nous voulons concentrer notre attention.» Il y a quelques années, à la faveur d’une analyse de cas, les équipes soignantes de Ried ont consigné dans un document de référence leur propre définition de la qualité des soins, qui place au cœur de leur action le respect des volontés individuelles et l’accompagnement du projet de vie de chaque résidente et résident. Sandra Debboub fait remarquer que le respect du libre choix de la personne peut constituer un facteur qui influence, dans un sens ou dans un autre, À la une

8 ARTISET 04 I 2023 NICOLE VON AH-BALSIGER www.keller-beratung.ch 056 483 05 10 5405 Baden-Dättwil St ategie Projekte Controlling Prozesse ATTRAKTIVE ARBEITGEBERIN «Schaffen Sie einen echten Mehrwert für Ihre Mitarbeitenden. Wir unterstützen Sie bei der Entwicklung von Strategien zum Thema Mitarbeitendenbindung. Gerne berate ich Sie persönlich.» Ihre Spezialisten für Spital, Heim und Spitex Annonce la valeur d’un indicateur. Et de prendre l’exemple d’un résident fictif qui aurait perdu l’usage de ses jambes, mais qui tient à son autonomie et veut faire lui-même le transfert entre son lit et son fauteuil roulant et inversement. L’équipe discute avec lui du risque qu’il prend de tomber, il en est conscient et l’accepte. Son choix est documenté, connu et respecté par tout le personnel. «Ce monsieur risque de mettre à mal notre score de chutes. Ce n’est pas bon pour nos affaires», ironise la responsable, «mais c’est bon pour sa qualité de vie et son autodétermination!» Qualité de soins et qualité de vie Depuis 2019, à l’instar de tous les EMS de Suisse, l’établissement de Ried est tenu de relever des indicateurs de qualité médicaux (IQM) via l’instrument d’évaluation des besoins en soins, en l’occurrence l’outil BESA, et en partie par le biais de la documentation de soins. Rien de véritablement nouveau, affirment la directrice et la responsable des soins et de l’accompagnement. «Avant l’intégration des indicateurs de qualité dans l’instrument BESA, en 2019, nous avions déjà un système de management de la qualité, d’abord sur papier puis sous forme électronique, ainsi que des outils nous permettant d’évaluer et de suivre l’évolution de certains actes et mesures mises en œuvre sur divers thèmes tels que la capacité d’orientation, les chutes, la douleur, la malnutrition, etc.», explique Angela Rebetez. «Comme il est d’usage dans les soins infirmiers, notre pratique est fondée sur des données probantes», tient à souligner Sandra Debboub. Ainsi, cela fait des années que les équipes soignantes de l’EMS Ried suivent chaque mois l’évolution des valeurs liées aux chutes, aux escarres, aux mesures privatives de liberté, etc., et réfléchissent aux options garantissant la meilleure qualité des soins, par exemple celles permettant de limiter les barrières de lit – cela fait près de dix ans que les sangles sur les fauteuils roulants sont une mesure strictement exceptionnelle. «La recherche permanente de solutions est propre «La recherche permanente de solutions est propre à notre pratique infirmière et notre objectif est naturellement de n’avoir si possible aucun cas.» Sandra Debboub, responsable des soins et de l’accompagnement à notre pratique infirmière et notre objectif est naturellement d’avoir des scores à zéro.» Et chaque mois, comme les trois autres établissements municipaux, l’EMS Ried livre à son institution de surveillance biennoise les chiffres liés aux escarres, aux chutes, aux limitations de liberté, aux niveaux de soins et aux réclamations des familles. Et qu’en est-il de la polymédication et de la douleur, qui figurent désormais dans les indicateurs à relever? «Cela a toujours fait partie de nos standards professionnels de surveiller la médication et d’évaluer la douleur chez nos résidentes et résidents au moyen d’outils et d’échelles, qui prennent aussi en compte les troubles cognitifs.» À la une

ARTISET 04 I 2023 9 La question de l’utilité que l’EMS Ried pourrait retirer des IQM laissent les deux responsables dubitatives. Le sentiment premier est que ces indicateurs n’apporteront «pour nous, personnellement, pas grand-chose», parce que l’établissement procède déjà depuis longtemps au monitorage de ces valeurs à l’interne. Quant à l’analyse comparative, Angela Rebetez s’interroge: «Est-ce que je dois seulement m’améliorer parce que, en comparaison avec les autres, j’ai un moins bon résultat, plutôt que m’améliorer dès que j’ai connaissance d’un problème?» La directrice reconnaît cependant que la démarche a provoqué une certaine prise de conscience. Ce que confirme Sandra Debboub. Dès la mise à disposition des fiches techniques relatives aux indicateurs, elle a informé le personnel, puis initié des travaux de groupe avec les infirmières et infirmiers pour établir des standards de qualité pour chaque indicateur. «Cela nous a permis de sensibiliser le personnel aux critères d’évaluation de la qualité des soins, de réfléchir et d’ajuster certaines de nos procédures, par exemple pour l’évaluation de la malnutrition.» Rendre compte de la réalité du terrain Sandra Debboub regrette cependant que les IQM ne concernent que les soins, car le bien-être et la qualité de vie des résidentes et résidents sont un travail d’équipe interdisciplinaire. C’est peut-être aussi pour rendre compte de cette réalité du terrain qu’elle a rejoint la commission romande dans le cadre du programme NIP-Q-Upgrade, dont l’objectif premier est d’apporter un soutien concret pour améliorer la qualité de leurs prestations de soins en s’appuyant sur des données fondées (lire en page 26). Angela Rebetez en a fait elle-même l’expérience en d’autres occasions: «Dans ces groupes de travail, il y a parfois des gens qui sont trop éloignés du terrain, qui n’ont pas conscience de ce que nous faisons au quotidien.» La responsable des soins et de l’accompagnement a donc pu expliquer la réalité du quotidien professionnel et faire part des besoins, dans le cadre des entretiens qu’elle a eus avec l’équipe de recherche de l’Institut et Haute École de la santé La Source de Lausanne, partie prenante au projet NIP-Q-Upgrade. Au cours de la première réunion de la commission romande, elle a particulièrement apprécié les échanges avec les autres institutions. Elle a eu l’opportunité de voir comment chacune accompagne les changements de pratiques et améliore la collecte des données, et quelles mesures sont mises en place pour optimiser la qualité des soins. De ces échanges, Sandra Debboub retient aussi la grande disparité entre les cantons. «Il y a certes une grande diversité dans les pratiques et les organisations des soins. Mais j’ai été surtout frappée par la grande inégalité des moyens. Certains cantons ont des ressources financières et des spécialistes à disposition que nous n’avons de loin pas chez nous. Dès lors, dans de telles conditions, comment peut-on se comparer?» Elle s’interroge également sur l’absence d’harmonisation entre les systèmes d’évaluation des besoins en soins. Les réponses à de telles questions attendront un peu. Pour l’heure, les membres de la commission romande sont invités à continuer de nourrir les réflexions et à faire part de leurs remarques par e-mail. En attendant la prochaine réunion. «Certains cantons ont des ressources financières et des spécialistes à disposition que nous n’avons de loin pas chez nous. Dès lors, comment peut-on se comparer?» Sandra Debboub …mais je ne peux pas toujours l’aider. Nous sommes à vos côtés quand les choses se compliquent. Grâce à votre don. Merci ! IBAN CH91 0900 0000 8750 0301 3 www.prosenectute.ch « J’aime ma mère… « Annonce

10 ARTISET 04 I 2023 Pourquoi un relevé national des données? «Les fournisseurs de prestations doivent communiquer aux autorités fédérales compétentes les données qui sont nécessaires pour surveiller l’application des dispositions … relatives au caractère économique et à la qualité des prestations.» C’est ce que stipule l’article 59a de la Loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal). Les fournisseurs de prestations tels que les hôpitaux et les établissements médico-sociaux sont notamment invités à fournir des données sur les «indicateurs de qualité médicaux». À quoi s’ajoute: «Ces données sont publiées». Les données sont collectées par l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui les met à la disposition de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), lequel est responsable de leur publication. Depuis plusieurs années déjà, tous les hôpitaux de soins aigus relèvent et publient de tels indicateurs. Dans le secteur des EMS, des indicateurs de qualité appropriés ont été élaborés et évalués par un groupe de travail interdisciplinaire dans le cadre d’un projet pilote sur les années 2009 à 2018. Parmi ces indicateurs, six ont été retenus. Le groupe de travail était placé sous la direction de Curaviva. Début 2024: première publication au niveau des EMS Depuis 2019, les indicateurs sont collectés au niveau national dans tous les EMS. S’ajoute une obligation légale de publier ces données. L’OFSP a publié pour la première fois les données des indicateurs de qualité en mai 2022, sur la base des données 2019 et 2020. Comme la qualité des données était insuffisante et que l’ajustement aux risques faisait défaut, les données ont été regroupées par canton et ont servi avant tout à des fins d’illustration. Selon les informations de l’OFSP, les valeurs des indicateurs seront publiées pour la première fois début 2024 au niveau des EMS, sur la base des données 2021. Il s’agit d’indicateurs de qualité ajustés aux risques, calculés pour chaque établissement. L’office fédéral a l’intention de publier les indicateurs chaque année. Comparabilité des valeurs Le but de l’ajustement aux risques est de neutraliser les facteurs qui influencent la valeur de l’indicateur mais qui ne sont pas liés à la qualité des prestations fournies. L’objectif est de refléter précisément la qualité dans les domaines évalués et de permettre une comparaison adéquate entre les établissements. L’ajustement aux risques ne peut toutefois prendre en considération que certains facteurs et jamais la totalité. Parmi les variables possibles pour l’ajustement aux risques figurent le niveau de soins des résident·es ou les capacités cognitives, mais aussi l’âge et le sexe ainsi que les signes d’instabilité émotionnelle et de dépression. Les indicateurs de qualité nationaux: faits et chiffres Vers le guide de saisie des données Vers les instruments de travail de Curaviva Vers le rapport de l’OFSP publié en mai 2022 À la une

ARTISET 04 I 2023 11 Mesures limitant la liberté de mouvement: ■ Pourcentage de résident·es avec fixation quotidienne du tronc ou siège ne permettant pas de se lever de façon indépendante au cours des sept derniers jours. ■ Pourcentage de résident·es avec utilisation quotidienne de barrières de lit ou autres dispositifs sur tous les côtés ouverts du lit destinés a empêcher les résident·es de quitter leur lit de manière autonome, au cours des sept derniers jours. Douleur: ■ Pourcentage de résident·es ayant fait part de douleurs quotidiennes modérées ou fortes ou de douleurs très fortes non quotidiennes au cours des sept derniers jours (auto-évaluation). ■ Pourcentage de résident·es chez qui des douleurs quotidiennes modérées ou fortes ou de douleurs très fortes non quotidiennes ont été observées au cours des sept derniers jours (évaluation par des tiers). Six indicateurs dans quatre domaines de mesure Pour les indicateurs suivants, plus la proportion de résidentes et résidents est faible, mieux c’est: Polymédication: ■ Le pourcentage de résident·es ayant pris neuf principes actifs ou plus au cours des sept derniers jours. Malnutrition: ■ Pourcentage de résident·es qui ont une perte de poids de 5% ou plus au cours des 30 derniers jours ou de 10% ou plus au cours des 180 derniers jours. Icons: Flaticon.com

12 ARTISET 04 I 2023 À la une Depuis 2019, les EMS suisses ont l’obligation de relever six indicateurs de qualité médicaux. Daniel Domeisen et Verena Hanselmann, de l’association de branche Curaviva*, expliquent les indicateurs et leur mise en œuvre en vue d’un processus de développement de la qualité. Pour ce faire, les EMS sont soutenus par le Programme national de mise en application – qualité des soins de longue durée dans les établissements médico-sociaux. Propos recueillis par Elisabeth Seifert « La transparence doit contribuer aux améliorations» Monsieur Domeisen, vous avez joué un rôle essentiel, du côté des associations des fournisseurs de prestations, dans la définition des six indicateurs de qualité médicaux actuels. Ceux-ci permettent-ils de bien contrôler la qualité des soins? Daniel Domeisen – Nous avons choisi ces six indicateurs en toute connaissance de cause, de même que les quatre domaines de mesure, à savoir la malnutrition, les mesures limitant la liberté de mouvement, la polymédication et la douleur. Parmi les nombreux indicateurs possibles, nous avons opté pour des thèmes sur lesquels le personnel soignant peut agir au moyen de mesures spécifiques afin d’améliorer la qualité des soins. Verena Hanselmann – Un processus complexe de plusieurs années a été nécessaire pour trouver quels indicateurs étaient vraiment importants. Des spécialistes provenant de différents domaines y ont participé. Les expériences venues de l’étranger ont aussi été précieuses. Daniel Domeisen – Dès le départ, nous avons tout fait pour ne pas créer un cimetière de données statistiques inutiles. Tous les efforts que nous avons fournis concernant l’obligation légale de définir de tels indicateurs ont toujours été axés sur le bien-être des résidentes et résidents. Les quatre thèmes de mesure définis peuvent donc être influencés pour améliorer ce bien-être. Est-il important de prendre conscience du fait que la qualité des soins est bien plus globale que ces six indicateurs? Verena Hanselmann – Les soins et leur qualité doivent être considérés de manière globale; de nombreux facteurs entrent en jeu. Il convient par exemple de tenir compte des besoins individuels et des valeurs des résidentes et résidents. Les connaissances en soins et la collaboration au sein des équipes sont tout aussi importantes. En prenant ces aspects en considération, il est possible d’influencer positivement les indicateurs. Ceux-ci ne mesurent rien d’autre que les résultats des soins prodigués dans les domaines mentionnés. De grandes connaissances et une bonne collaboration sont nécessaires pour déterminer les douleurs que ressentent les personnes atteintes de troubles cognitifs, par exemple. Plus on y parvient, mieux on peut introduire des mesures appropriées. Daniel Domeisen – Les quatre domaines de mesure ne représentent qu’un échantillon et ne permettent donc pas d’évaluer la qualité dans son ensemble. Comme déjà mentionné, il s’agit toutefois de thèmes qui influencent grandement le bien-être des résidentes et résidents.

ARTISET 04 I 2023 13 L’introduction d’autres indicateurs, en plus des six actuels dans quatre domaines de mesure, est pourtant déjà examinée au niveau national. Verena Hanselmann – Actuellement, trois autres indicateurs sont étudiés dans le cadre d’une procédure similaire, avec la participation de spécialistes et la prise en compte d’expériences faites à l’étranger. L’un d’entre eux concerne les escarres. Comme pour les indicateurs actuels, il mesure le résultat des soins prodigués et a un lien direct avec le bien-être des résidentes et résidents. Il en va autrement pour les indicateurs «projet de soins anticipé» et «revue de la médication» … …Ceux-ci évaluent des prestations ou des mesures spécifiques des établissements? Daniel Domeisen – Ces deux indicateurs ont pour but de mesurer la part de résidentes et résidents pour qui l’établissement effectue une revue de la médication ou un projet de soins anticipé. Verena Hanselmann – En ce qui concerne la revue de la médication, il s’agit de vérifier, dans le cadre d’un processus structuré, si la médication doit être adaptée. Dans le cadre du projet de soins anticipé, les souhaits et les attentes des résidentes et résidents sont pris en compte, notamment quant à la période de fin de vie. Le nombre croissant d’indicateurs à relever ne provoque-t-il pas une surcharge de travail pour les EMS? Daniel Domeisen – Bien évidemment, nous n’allons pas augmenter le nombre d’indicateurs de manière démesurée. Ainsi, si nous constatons au fil du temps qu’un indicateur ne peut plus être influencé au moyen de mesures supplémentaires, nous le retirerons et nous concentrerons sur un autre thème. Vous insistez sur le fait que le bien-­ être des résidentes et résidents est au centre des mesures. Toutefois, pour que les personnes se portent bien, une bonne qualité des soins ne suffit pas … Daniel Domeisen – C’est l’un des princiaux défis auxquels nous faisons face dans le domaine de l’accompagnement et des soins de longue durée. Du côté des associations, nous mentionnons toujours que les EMS ont un statut particulier. Le domaine qui est couvert par la LAMal et qui oblige les EMS à mesurer des indicateurs de qualité médicaux ne représente qu’une partie des tâches. Au-delà des soins, les résidentes et résidents des EMS ont les mêmes besoins que toute autre personne, qui doivent aussi être couverts avec un niveau de qualité approprié, par exemple dans les domaines d’hébergement, de la sécurité, des repas ou encore du cadre de vie. Le dilemme repose-t-il sur le fait que l’on doit consacrer un grand nombre de ressources à ce domaine en raison des exigences légales et qu’il n’en reste plus pour les autres? Daniel Domeisen – Nous avons tout mis en œuvre pour que la collecte des indicateurs de qualité médicaux ne provoque pas de charges administratives. Aucun nouvel instrument n’a donc été créé. À la place, la collecte des données pertinentes a été intégrée dans les outils habituels d’évaluation des besoins. Un certain effort est néanmoins nécessaire pour mettre en œuvre des mesures d’amélioration. Verena Hanselmann – Les indicateurs donnent l’occasion d’introduire un processus d’amélioration de la qualité fondé sur les données qui, s’il est correctement mis en place, permet de réduire les problèmes, et donc la charge de travail. «Les indicateurs donnent l’occasion d’introduire un processus d’amélioration de la qualité fondé sur les données qui, s’il est correctement mis en place, permet de réduire les problèmes, et donc la charge de travail.» Verena Hanselmann «Au-delà des soins, les résidentes et résidents des EMS ont les mêmes besoins que toute autre personne, qui doivent aussi être couverts avec un niveau de qualité approprié.» Daniel Domeisen

14 ARTISET 04 I 2023 Depuis 2019, les EMS suisses ont l’obligation de relever les six indicateurs mentionnés et de les transmettre aux autorités fédérales. Ces données seront publiées pour la première fois début 2024. Quel est le but de cette publication obligatoire? Daniel Domeisen – Les EMS étant soumis à la LAMal, ils ont l’obligation légale de transmettre à la Confédération certaines données, qui doivent ensuite être publiées. Depuis des années déjà, les institutions communiquent leurs données administratives, qui sont publiées annuellement dans la statistique des institutions médico-sociales, la statistique Somed. Désormais, les indicateurs de qualité médicaux viennent s’y ajouter. …Mais quel est le but de cette publication? Daniel Domeisen – Il s’agit de garantir la transparence. C’est l’unique but. Les données ne peuvent ni ne doivent servir à établir des classements. Verena Hanselmann – La publication assure la transparence, tant pour les résidentes et résidents et leurs proches que pour le personnel et les organismes de financement. Cette transparence favorise la prise de conscience et peut, voire doit, contribuer à un processus continu d’amélioration de la qualité. Daniel Domeisen – Des expériences ont déjà été faites avec la publication des données administratives dans le cadre de la statistique Somed. Quand une institution sait que ses données sont publiées, elle veille à les améliorer, ou du moins à ce qu’elles ne se détériorent pas au fil des années. Vous dites que les données ne doivent pas servir à établir des classements. Les institutions et les cantons peuvent pourtant être comparés dans les domaines mesurés … Daniel Domeisen – On peut certes comparer les données des institutions et des cantons dans les domaines mesurés. Pour effectuer une telle comparaison, il faut néanmoins tenir compte de certaines différences en termes de structure de la population résidente en EMS et de fonctionnement de l’établissement, qui influencent également les valeurs des indicateurs. C’est notamment le cas de l’intensité des soins ou des capacités cognitives des résidentes et résidents. Il faut donc faire preuve de prudence lorsqu’on compare des chiffres … …Pouvez-vous expliquer plus précisément pourquoi vous êtes sceptique à l’égard des comparaisons chiffrées? Daniel Domeisen – Les différences quant à la structure de la population résidente et au fonctionnement d’une institution ne peuvent pas être entièrement prises en compte lors du calcul des indicateurs. En revanche, elles peuvent expliquer pourquoi une institution semble obtenir de moins bons résultats. Il me paraît donc important de toujours inclure la situation spécifique d’un EMS lors de l’interprétation des valeurs des indicateurs et de ne pas tirer de conclusions hâtives. Verena Hanselmann – En outre, des valeurs particulièrement élevées ne signifient pas forcément que la qualité des soins d’une institution est globalement mauvaise; après tout, les indicateurs ne mesurent que certains domaines. Parallèlement, on espère néanmoins obtenir une évaluation nationale de la qualité dans les domaines mesurés grâce aux données et en se fondant sur des processus et méthodes de mesure uniformes. Cette base doit ensuite permettre de développer le processus d’amélioration de la qualité. Comment les institutions peuvent-elles tirer parti de la publication de leurs données? Daniel Domeisen – Elles peuvent utiliser les résultats comme un outil de marketing, par exemple lors de séances d’information pour les proches, et ce, justement si les valeurs sont moins bonnes en comparaison avec d’autres institutions. Les responsables peuvent présenter les valeurs en détails, expliquer les raisons de ces résultats et évoquer les mesures prévues. Comment développer de manière contraignante ce processus d’amélioration de la qualité au niveau national? Daniel Domeisen – Les contrats de qualité, que les assureurs-maladie doivent conclure avec tous les groupes de fournisseurs de prestations, jouent un rôle à cet égard. Les contrats avec les hôpitaux de soins aigus seront bientôt conclus. Ensuite, ce sera au tour de Curaviva et Senesuisse, les associations des prestataires de soins de longue durée. Les conventions négociées seront alors contraignantes pour chaque fournisseur de prestations. Cela n’engendrera-t-il pas de nouvelles charges pour la branche, notamment pour les institutions? Verena Hanselmann – Les institutions remplissent déjà plusieurs exigences contractuelles, comme la collecte des indicateurs de qualité. Elles auront en outre l’obligation de prouver qu’elles cherchent à améliorer leur qualité. Cela inclut aussi le fait qu’elles devront disposer de «Il est important de toujours inclure la situation spécifique d’un EMS lors de l’interprétation des valeurs des indicateurs et de ne pas tirer de conclusions hâtives.» Daniel Domeisen À la une

ARTISET 04 I 2023 15 systèmes de gestion de la qualité, ce que de nombreux cantons exigent déjà. Daniel Domeisen – Concernant les dépenses, nous avons clairement indiqué que nous, les associations, ne signerons le contrat qu’une fois le financement clarifié. Cela inclut le financement des charges supplémentaires, par exemple pour le développement d’un système de qualité, les changements de logiciels ou les audits. Les améliorations devront ensuite être apportées par les EMS eux-mêmes? Verena Hanselmann – Les institutions ne seront pas abandonnées. Afin de les soutenir, la Commission fédérale pour la qualité (CFQ) a lancé le Programme national de mise en application – qualité des soins de longue durée dans les établissements médico-sociaux, abrégé NIP-Q-Upgrade. Entre 2022 et 2026, les associations Curaviva et Senesuisse ont pour tâche de développer des mesures axées sur les solutions et adaptées à la pratique en collaboration avec le terrain et en bénéficiant d’un accompagnement scientifique issu de toutes les régions du pays. Pouvez-vous brièvement présenter le programme NIP-Q-Upgrade? Verena Hanselmann – Il s’agit de développer des outils de travail pratiques, avant tout pour aider les institutions à améliorer la collecte des données. En outre, d’autres outils soutiennent l’optimisation du développement de la qualité fondé sur les données. Qu’attendez-vous de ce programme national de mise en application? Verena Hanselmann – En fin de compte, il s’agit d’améliorer le bien-être des résidentes et résidents. Cependant, comme nous l’avons déjà dit, l’un des principaux avantages du programme est le soutien à la collecte des données et la possibilité d’utiliser celles-ci pour développer la qualité au moyen d’outils pratiques. Daniel Domeisen – Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un programme national reposant sur des contrats de qualité négociés au niveau national. Le but est d’éviter que, pour la même loi, vingt-six solutions différentes voient le jour. Que ce soit la Confédération, les associations et leurs membres collectifs, les EMS, les assureurs ou encore les cantons, tous déploient des efforts pour développer et continuer d’améliorer ensemble les soins de longue durée. * Daniel Domeisen est responsable Économie de la santé publique de l’association de branche Curaviva. Verena Hanselmann est responsable de projet Économie de la santé publique chez Curaviva. Verena Hanselmann et Daniel Domeisen de l’association de branche Curaviva: l’association a apporté sa pierre au développement des indicateurs de qualité médicaux. Photo: esf

16 ARTISET 04 I 2023 « La qualité est un investissement, elle a un coût» La Casa Giardino (photo) ainsi que la Casa Soave, à Chiasso, documentent depuis plus de quinze ans quasiment les mêmes thèmes que les indicateurs de qualité médicaux nationaux. Photo: Ti-Press

ARTISET 04 I 2023 17 Partager une même vision de la qualité des soins, développer une meilleure compréhension des indicateurs de qualité médicaux actuels et futurs et pouvoir se reposer sur des données probantes: telles sont les attentes formulées par le service des institutions sociales de la ville de Chiasso envers les IQM et le programme NIP-Q-Upgrade. Anne-Marie Nicole Imaginez un quartier intergénérationnel implanté au cœur de la ville de Chiasso, dans le triangle délimité par la frontière avec l’Italie à l’est, les voies de chemin de fer au sud et la Breggia qui coule au nord. L’espace est conçu pour accueillir 155 personnes âgées, que ce soit dans des logements adaptés, des structures de long et de court séjour ou des unités spécialisées dans les domaines des soins palliatifs et de l’accompagnement des troubles cognitifs. Un parc et divers services ouverts au public doivent favoriser la cohésion sociale et le vivre ensemble, dans une perspective de vieillissement actif. Il faudra cependant attendre encore sept à dix ans pour voir le projet de la municipalité sortir de terre. Pour l’heure, le service des institutions sociales de Chiasso dispose de deux centres de jour, l’un à vocation thérapeutique, l’autre dédié à des activités récréatives, et de deux établissements médico-sociaux, la Casa Soave et la Casa Giardino, qui offrent aujourd’hui à elles deux 139 places. Construits il y a plus de quarante ans pour le premier et trente ans pour le second, ce sont justement ces deux établissements qui seront en partie démolis, respectivement transformés et rénovés pour donner vie à ce nouveau quartier intergénérationnel. Abritant à l’origine des logements protégés, la Casa Soave a été transformée au fil du temps pour devenir un EMS. Construite sur six étages, elle ne répond plus aux normes actuelles en termes d’organisation et complique grandement le travail des équipes professionnelles. Quant à la Casa Giardino, il semble qu’elle ait, elle aussi, besoin d’un coup de jeune! Fabio Maestrini, directeur des institutions sociales de la ville de Chiasso, en est convaincu: le futur quartier intergénérationnel permettra d’optimiser considérablement la gestion logistique de l’accompagnement des personnes âgées, avec des répercussions directes sur la qualité des prestations de soins. Il serait cependant faux d’en conclure que la qualité des soins actuelle est mauvaise. «Nous avons certainement des points à améliorer, mais globalement, je dirais que nous travaillons bien», affirme Anna Tettamanti, responsable des soins pour les deux maisons. En attendant la publication des indicateurs de qualité médicaux en cette fin d’année, elle se dit confiante quant au niveau de qualité des prestations fournies par les équipes soignantes. Création de groupes de qualité Dans le canton du Tessin, les établissements médico-sociaux ainsi que les services d’aide et de soins à domicile travaillent avec l’outil d’évaluation des besoins en soins RAI depuis plus de quinze ans déjà et documentent quasiment les mêmes thèmes que les indicateurs de qualité médicaux actuels: les escarres, les chutes, la perte de poids, la contention et la médication. Dès lors, la saisie obligatoire, depuis 2019, des indicateurs de qualité médicaux (IQM) n’est pas vraiment une tâche nouvelle pour le personnel soignant, si ce n’est qu’elle implique de passer plus de temps devant l’écran de l’ordinateur, parfois au détriment du temps passé auprès des résidentes et résidents. Mais cette exigence imposée par la loi a aussi été l’occasion de réveiller les consciences sur l’importance de la qualité des soins et de créer des groupes de qualité interdisciplinaires chargés de réfléchir aux mesures et actions possibles pour améliorer la qualité de leurs prestations. Les espaces dédiés aux réflexions sur les pratiques professionnelles et leur cohérence, ainsi que sur l’équilibre à trouver entre la sécurité médicale et la liberté des résidentes et résidents, se sont multipliés. Pour Anna Tettamanti, il est évident que les IQM sont un instrument de l’amélioration de la qualité interne. «Ce sont des données probantes sur lesquelles les équipes soignantes peuvent se reposer et ne plus se fier uniquement à leurs observations et ressentis plus subjectifs. Ils permettent une analyse plus fine des situations, en lien avec les thèmes des indicateurs.» Un gros travail a été réalisé sur les mesures limitant la liberté de mouvement. Selon Fabio Maestrini, les taux enregistrés au Tessin ces dernières années en matière de À la une

18 ARTISET 04 I 2023 contention étaient supérieurs à la moyenne nationale. «Nous avons commencé par vérifier si les données avaient été correctement saisies, puis nous avons développé des stratégies pour limiter les mesures de contention.» Ainsi, aujourd’hui, les dispositifs de contention telles que les sangles abdominales, par exemple, ont complètement disparu des fauteuils roulants. La marge de manœuvre des équipes soignantes est plus limitée en ce qui concerne la polymédication. Des approches non-médicamenteuses ont été introduites, telles que l’aromathérapie, la thérapie assistée par l’animal ou encore la thérapie de la douleur. Il est cependant plus difficile d’intervenir sur la polymédication parce que «ce sont les médecins qui prescrivent les médicaments», rappelle Anna Tettamanti. «Et nous collaborons avec une vingtaine de médecins traitants externes …» Elle observe aussi qu’on touche ici à l’autodétermination des résidentes et résidents. «Ils sont habitués à prendre leurs médicaments. Pour eux, la médication est un signe de bons soins. Vouloir diminuer leur nombre est par conséquent souvent problématique. Même passer du médicament original au générique est compliqué!» Statistiques à l’appui, Fabio Maestrini estime qu’il s’agit aussi d’une question culturelle, la consommation de prestations de soins étant plus élevée au Tessin que la moyenne nationale. «Nous devrons travailler cette dimension culturelle avec les nouvelles générations de personnes âgées», avance-t-il. Un programme très constructif À la fin de l’été, Anna Tettamanti a intégré le groupe régional pour la Suisse italienne dans le cadre du programme NIPQ-Upgrade (lire en page 26). Cinq EMS tessinois y sont représentés. De la première et seule rencontre qui a eu lieu pour le moment, elle n’en retire que du positif: apprendre à se connaître, parler le même langage, mieux comprendre les indicateurs – actuels et à venir –, partager la vision et les représentations liées à la qualité des soins et pouvoir s’exprimer sur ce que chacune et chacun vit chaque jour dans son travail. «C’est très constructif!» Dès lors, elle se réjouit de poursuivre l’année prochaine. Quatre rencontres sont d’ores et déjà prévues à l’agenda. Outre l’optimisation de la collecte des indicateurs et l’amélioration de la qualité des soins, d’autres défis attendent encore le service des institutions sociales de Chiasso, qui auront certainement un impact sur la qualité des soins et la qualité de vie en général des résidentes et résidents. En janvier dernier, un changement législatif dans le cadre de la planification sanitaire cantonale doit favoriser le rapprochement entre les établissements de long séjour, les structures intermédiaires et les soins à domicile. «Nous allons travailler en réseau, dans une perspective de soins intégrés. C’est ça le futur!», affirme Fabio Maestrini. Un autre défi de taille sera d’ordre financier, avec les réductions linéaires annoncées par le canton dès 2024, notamment dans le financement des institutions sociales. «C’est important que nous commencions à discuter de qualité aussi au niveau politique. La qualité est un investissement, elle a un coût. On ne peut pas faire de la qualité avec moins de ressources», estime le directeur. Dès lors, il espère trouver dans les solutions, outils et mesures qui sortiront du programme NIP-Q-Upgrade quelques arguments et données chiffrées à faire valoir auprès des politiques. «Les données probantes permettent une analyse plus fine des situations. Les équipes soignantes n’ont plus à se fier uniquement à leurs observations et ressentis plus subjectifs.» Anna Tettamanti, responsable des soins HF Diplom 3-jährige Vollzeitausbildung Dipl. Aktivierungsfachfrau HF Dipl. Aktivierungsfachmann HF Mehr zum Aufnahmeverfahren unter medi.ch Weiterbildungsangebote für Aktivierungsfachpersonen HF (Ermässigung für SVAT-Mitglieder) Zertifikat FAB Fachperson in aktivierender Betreuung Fachverantwortliche/r in Alltagsgestaltung und Aktivierung Mehr zu den Weiterbildungsangeboten unter medi.ch medi | Zentrum für medizinische Bildung | Aktivierung HF Max-Daetwyler-Platz 2 | 3014 Bern | Tel. 031 537 31 10 | at@medi.ch HÖHERE FACHSCHULE FÜR AKTIVIERUNG AM PULS DER PRAXIS > > AKTIVIERUNG Annonce

ARTISET 04 I 2023 19 À la une La collecte des indicateurs de qualité médicaux n’a pas pour but de refléter la qualité des soins de manière exhaustive. L’autrice de cet article considère ces indicateurs dans une conception globale de la qualité dans le domaine des soins. Elle indique en outre comment ils peuvent être utilisés pour améliorer la qualité des soins de manière systématique et globale. Natascha Nielen* Plaidoyer pour une approche globale La collecte des indicateurs de qualité médicaux (IQM) fait désormais partie du quotidien des institutions de soins de longue durée. Mais comment peuvent-ils contribuer au maintien et à la promotion de la qualité des soins? Avant de pouvoir répondre à cette question, il faut d’abord savoir comment la qualité des soins est définie: l’OMS la décrit comme étant la mesure dans laquelle les fournisseurs de prestations influencent l’état de santé des patient·es ou des résident·es. Cette influence doit reposer sur des connaissances spécialisées fondées sur des données probantes et est essentielle pour la mise en œuvre des soins de santé. Dans ce cadre, il convient de tenir compte des facteurs suivants: ■ Efficacité – Proposer des services de santé fondés sur des données probantes. ■ Sécurité – Prévenir tout préjudice à l’égard des patient·es ou des résident·es. ■ Centrage sur la personne – Fournir des soins adaptés aux préférences, valeurs et besoins individuels des patient·es ou des résident·es. Afin de parvenir à un niveau de qualité élevé, des soins professionnels sont indispensables. Le Conseil international des infirmières (CII) a élaboré une définition à cet égard, que l’Association suisse des infirmières et des infirmiers (ASI) appuie: «Les soins infirmiers englobent les soins autonomes et collaboratifs prodigués aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés, malades ou en bonne santé, indépendamment du contexte. Les soins infirmiers comprennent la promotion de la santé, la prévention des maladies, les soins aux personnes malades, handicapées ou en fin de vie. La défense des intérêts, la promotion d’un environnement favorable, la recherche, la participation à la mise au point des politiques de la santé, à la gestion des patients et des systèmes ainsi que la formation font également partie des rôles déterminants des soins infirmiers.» La mesure de la qualité est souvent unidimensionnelle Afin de savoir où se situe une institution de soins de longue durée en

RkJQdWJsaXNoZXIy MTY2MjQyMg==